Je suis très heureuse de pouvoir partager avec vous cette présentation de notre accord relatif à l’accueil des animaux domestiques au bureau et le contexte plus général dans lequel il s’inscrit !
Cet accord pionnier signé à Suresnes n’est évidemment pas le fruit du hasard ! Il s’inscrit dans une politique globale et cohérente, puisque Suresnes fonctionne comme un véritable « un village de l’innovation RH » qui place le dialogue social (riche, apaisé, de qualité) au cœur de la politique RH audacieuse et souvent pionnière dans la fonction publique que je conduis depuis 15 ans.
Cette politiqueinspire bon nombre d’entreprises, d’administrations et de collectivités territoriales : elle s’articule autour de 4 axes prioritaires (dialogue social, l’égalité femmes-hommes, l’accompagnement du handicap et le Bien-être et la qualité de vie au travail) et m’a permis de signer dans ces domaines 40 accords gagnants, dont 26 en matière de bien-être au travail.
Dans le cadre de ce dernier axe, j’ai conclu 26 accords innovants, dont la possibilité de pratiquer une activité physique ou culturelle sur le temps de travail ou l’accueil des animaux domestiques au bureau.
En matière de bien-être au travail, je suis en effet persuadée qu’il n’y a pas de qualité du travail sans qualité de vie au travail. C’est pour cela que j’ai voulu faire de Suresnes une collectivité « bienformante ». Et je considère que le bien-être au travail est un formidable levier de performance individuelle et collective !
C’est parce que j’ai fait le choix rare, singulier, très audacieux pour un employeur, à contre-courant des politiques habituellement conduites, de placer le dialogue social au cœur de ma politique que j’ai souhaité discuter en amont avec les syndicats afin de mettre en place un dispositif audacieux, pionnier et pérenne ! Pour moi, il était en effet évident qu’un tel dispositif devait passer par un accord avec les syndicats sur un sujet pionnier dont il n’existait aucun exemple dans la Fonction publique.
Je voulais mettre toutes les chances de notre côté et créer les conditions de la réussite : en passant par le dialogue social et en faisant adhérer le plus grand nombre au projet et en évitant l’écueil que certains agents soient placés dans l’inconfort car l’objectif était d’améliorer encore le bien-être et la qualité de vie de nos agents, pas de gêner certains d’entre eux par la mise en place d’un dispositif contraignant.
Je dois ici rappeler certains chiffres : D’après une étude de Harvard/MIT, un salarié heureux serait deux fois moins malade, six fois moins absent, 9 fois plus loyal, 31% plus productif, 55% plus créatif qu’un salarié insatisfait et aurait 53% plus de chance de progresser professionnellement par rapport à un collègue insatisfait.
C’est dans la continuité de tous ces dispositifs RH en faveur du bien-être des agents que j’ai réfléchi, il y a près de trois ans, et – je le précise ! – à la demande de plusieurs syndicats et de nombreux agents, à la possibilité pour les agents de venir accompagnés par leur animal de compagnie, comme c’est le cas dans les pays d’Europe du Nord ou le continent américain, les animaux de compagnie au bureau.
Pour vous dire toute la vérité, je n’avais pas vraiment besoin d’être convaincue ! Etant moi-même une grande amie des animaux, j’étais personnellement déjà très favorable à cette idée !
Néanmoins, avant de me lancer, j’ai souhaité engager une phase de concertation préalable.
J’ai auditionné, dans le cadre de mon projet d’accord, le Dr. Patrick Légeron, psychiatre et grand spécialiste en France du stress au travail. Selon lui, la présence du chien au bureau favorise la communication, l’échange et le lien social entre collègues. Je le cite : « la présence des animaux sur le lieu de travail est un antipoison, capable de neutraliser le stress ».
Elle agit comme « un facteur d’apaisement des tensions, de pacification des relations et de stimulation pour les salariés, en favorisant notamment les contacts, les échanges et la communication entre les personnes ».
M. Légeron ajoute, et je le cite encore, que : « cette attention bienveillante de l’employeur augmente le sentiment de bien-être du salarié ; ce dernier perçoit alors que son employeur s’intéresse à son bien-être ».
J’ai également travaillé avec les équipes sur les nombreuses enquêtes récentes et moins récentes qui existent sur le sujet :
Des études médicales américaines, notamment celles d’Aaron Katcher et d’Erika Friedmann en 1983, l’affirment : non seulement la compagnie d’un animal atténue le sentiment d’isolement, mais “le fait de le caresser réduit la pression artérielle, la température de la peau et la fréquence cardiaque qui sont autant d’indices de stress“. En outre, la nécessité de promener le chien contribue à prévenir les maladies cardio-vasculaires, le diabète et l’ostéoporose. Enfin, l’animal favorise les échanges sociaux : on lie facilement conversation avec les passants qui aiment les bêtes.
D’autres enquêtes sont intéressantes à ce sujet. Selon une enquête Ipsos de 2017, la présence de chiens au bureau permettrait de réduire le stress au travail pour 45% des sondés. La raison ? L’ocytocine, une hormone du bonheur, est sécrétée lorsqu’on interagit avec un chien et nous rendent ainsi plus détendus et heureux.
La présence d’animaux a un réel impact sur la performance des employés, comme le confirme une étude faite par Wamiz, un site spécialisé sur les animaux de compagnie : 80% des sondés estiment que la présence d’un animal a un impact positif sur leur travail.
Cette proportion se confirme également dans une étude américaine réalisée en 2012 par deux chercheurs de l’école de commerce de la Virginia Common Wealth University et parue dans l’International Journal of Workplace Health Management en mars 2012, montrant que, en présence d’un animal, 8 salariés sur 10 :
- Ont plus de plaisir à venir travailler,
- Se concentrent plus facilement,
- Communiquent mieux avec leurs collègues,
- Ont un niveau de stress plus bas,
- Se sentent plus inspirés et créatifs,
- Ont une plus grande satisfaction dans leur travail comparé à la moyenne des autres entreprises.
Par ailleurs, selon la Fédération française de cardiologie, la présence d’un chien réduit de 36% les risque de mortalité cardio-vasculaire. Et plusieurs enquêtes ont pu démontrer qu’avoir un chien ou un chat avaient des effets positifs sur la santé, la pression artérielle serait réduite de 10%, sur la vie sociale mais aussi sur la productivité et la capacité à se concentrer.
En France, nous avons à mon avis encore beaucoup à apprendre sur l’intégration des animaux à notre vie quotidienne, et notamment professionnelle : selon un sondage IFOP réalisé pour Purina en mai 2016, 44% des salariés souhaiteraient amener leur chien sur leur lieu de travail, alors qu’ils ne sont que 16% à pouvoir le faire. Et seules 23 entreprises de l’Hexagone accueillent nos amis à quatre pattes !
Or, plusieurs pays dans le monde autorisent déjà et font même la promotion de la présence des animaux sur le lieu de travail.
Par exemple, aux Etats-Unis, il existe une journée dédiée, en juin de chaque année, pour venir au travail accompagné de son chien. Cela s’appelle le « Take Your Dog to Work Day ». Mais, au-delà de ce jour, ce sont près de 8% des entreprises américaines qui ont mis en place des protocoles d’accueil des animaux domestiques sur le lieu de travail !
Au Japon, de nombreuses entreprises ont autorisé leurs salariés à venir avec un animal de compagnie. Le but est simple : il s’agit de créer un climat de travail à la fois apaisant, mais également facteur de meilleure performance, de créativité et de bien-être au travail !
Quant au Canada, de plus en plus de salariés viennent au bureau avec leur animal de compagnie, comme c’est le cas dans les entreprises Tungsten Collaborative et Chandos Bird. « L’inscription de Tungsten Collaborative sur la liste des entreprises qui acceptent les chiens par l’organisme de défense des animaux Humane Society a apporté un regain d’activité commerciale et permis d’accroître la productivité de son personnel », assure Bill Dicke, le président de la société !
Et selon un récent sondage Léger mené pour PetSafe (2022), un Canadien sur deux (51%) soutient l’idée d’amener son chien au bureau. Cette proposition est surtout appréciée chez les plus jeunes : 18% des employés de 18 à 24 ans affirment qu’ils changeraient d’entreprise si leur employeur leur refusait cette option !
Preuve que l’accueil des animaux au bureau s’inscrit pleinement dans le cadre de la politique RSE des entreprises !
Notre accord, comme plusieurs autres (la « Mutuelle pour tous », qui prévoit une prise en charge par la Ville à hauteur de 42 € maximum, les activités physiques et culturelles sur le temps de travail intégrées dans le plan de formation ou encore le projet « Incarnons le travail de demain » placé sous le signe de 3 valeurs cardinales que sont la confiance, l’autonomie et la responsabilité), est un véritable plus en termes d’attractivité et de fidélisation et s’inscrit pleinement dans le cadre de notre politique de Bien-être et de santé au travail qui anticipe les transformations du monde du travail en pleine mutation : les jeunes générations, et même les moins jeunes, entretiennent désormais un rapport différent au monde du travail, plus sensibles à la qualité de vie au travail qui prime désormais, et souhaitent même que des sujets relevant de leur sphère intime soient mieux pris en compte par l’employeur.
Nos mentalités doivent réellement évoluer, même si en France, plusieurs entreprises ont déjà autorisé la présence d’animaux domestiques sur le lieu de travail, reprenant le concept anglo-saxon de « Pets at Work ». J’avais d’ailleurs emmené les représentants des syndicats de la Ville avec moi à l’espace de coworking COWORKEA à Vanves, qui autorise la présence des animaux domestiques sur le lieu de travail ! C’était pour nous une belle source d’inspiration, puisque nous nous sommes notamment inspirés de leur règlement intérieur pour notre propre dispositif !
J’ai donc signé avec la CGT, FO et le SYNPER, le 3 septembre 2020, cet accord qui s’inscrit pleinement dans la continuité de ma politique RH de bien-être au travail, et j’en suis très fière. Notre accord est passé en CHSCT et a été approuvé à l’unanimité en CT, faisant de notre Ville la première collectivité en France à signer un accord de ce type !
Alors, bien sûr, l’accueil d’animaux domestiques sur le lieu de travail est très encadré, car la préservation de la santé et de la sécurité de nos agents reste évidemment la priorité.
Je vous rappelle ainsi quelques principes de cet accord :
- L’accord concerne uniquement les agents des services administratifs n’accueillant pas de public et leurs collègues évoluant dans ces espaces
- Seuls les chiens (hormis les chiens dits « dangereux » de 1ère et 2e catégorie), chats et poissons sont autorisés.
- L’accord prévoit également qu’aucun collègue ne doit être affecté négativement par l’accueil, en sa présence, d’un animal domestique sur son lieu de travail, si des raisons le justifient (allergie, grossesse, peur, inconfort).
- Par ailleurs, l’accord précise bien qu’il est strictement interdit d’amener son animal de compagnie dans les locaux ouverts au public.
- Enfin, l’animal devra obligatoirement être à jour de ses vaccinations.
Mais l’accord que nous avons signé avec les syndicats va au-delà de la démarche BEST. Il s’inscrit aussi dans la continuité de la politique RH en faveur de l’accompagnement du handicap, puisque l’accord prévoit aussi, à travers un partenariat avec l’association Handichiens, de valoriser auprès des agents l’accueil de chiens-guides d’aveugles et des chiens d’assistance au sein des locaux de la Ville !
Les retours des agents auprès de la DRH sont particulièrement enthousiasmants et s’inscrivent parfaitement dans ma volonté forte d’améliorer au quotidien la qualité de vie au travail des agents : « Dans les services qui ont accueilli des chiens, le climat a changé, des tensions se sont apaisées. L’atmosphère est plus détendue et conviviale. Pour le management, cet accord est un levier supplémentaire, aux côtés d’autres accords relatifs à la QVT qui permet de favoriser le dialogue et l’échange. La présence de l’animal est aussi un facteur de stimulation intellectuelle et permet de prendre des pauses « régénérantes », au même titre que le sport pendant ou hors le temps de travail. ». Aujourd’hui, l’accord permet à plus d’une quinzaine d’agents de venir accompagnés régulièrement de leur chien au bureau, pour le plus grand bonheur de la centaine de collègues la dizaine de services concernés (Direction générale des services, DRH, Direction des affaires juridiques et financières, Direction de la communication, Direction du patrimoine, Services Archives, Courrier, Technique, Education/Famille, Parcs et jardins).
Depuis, nous nous sommes bien évidemment attachés à faire vivre cet accord en organisant plusieurs événements (conférences) de sensibilisation auprès des agents de la Ville : le 12 octobre 2020 avec des représentants de Handichiens, le 3 mai 2021, le 25 juin 2021 à l’occasion de la journée mondiale des chiens au bureau et récemment le 31 mai et le 1er juin 2022 dans le cadre de la 1ère semaine des animaux (en ville, au bureau, au foyer) que nous avons organisée à Suresnes !
J’ai également présenté notre dispositif devant 150 élus et cadres de collectivités territoriales lors des 2e rencontres de l’animal en ville en septembre 2021, et devant 100 DRH au dernier congrès de DécidRH en juin 2022 ou encore devant les élèves de l’INET en janvier 2022.
La presse et les médias se sont fait largement l’écho de l’accord unique dans la Fonction publique que nous avons signé : Le Parisien, France Info, 30 millions d’amis, Zepros, Peuple animal, France Dimanche, Wamiz, Airzen, Les Echos IDF, Entreprises et Carrières… Preuve de l’intérêt que notre dispositif « décoiffant » a eu ! France 3 a réalisé un reportage dans nos services à la suite de la signature de notre accord. TF1 a également consacré un sujet dans son journal télévisé sur l’accueil des chiens au bureau. Il y a 5 ans, de tels relais dans les médias n’auraient jamais existé !
Neo TV, le 1er média social de la proximité et des territoires, a réalisé un reportage sur la présence de chiens au bureau au 4è étage du Centre administratif pour présenter l’exemple de la Ville de Suresnes. Accompagnés de leurs chiens respectifs, huit agents de la Ville ont répondu présent à cet événement, ravis d’apporter leurs témoignages au média sur les multiples bienfaits de la présence de leurs animaux dans leurs services !
France 3 IDF s’est également déplacé en juillet 2022 dans nos locaux pour m’interviewer au sujet de notre accord et son contexte, ses modalités d’application, son bilan à ce jour et l’apport particulièrement bénéfique du dispositif pour les agents concernés.
Et BFM Paris a également effectué un reportage à Suresnes sur notre dispositif en filmant une agente qui se rend très régulièrement au travail avec son chien, témoignant du bénéfice qu’apporte la présence de son chien au bureau au sein de son service !
Et notre accord fait école jusqu’à la mairie de Paris. De nombreuses autres villes se sont intéressées de près à notre initiative et nous en sommes très fiers ! La Garenne-Colombes a adopté une charte d’accueil des animaux sur le lieu de travail. Grenoble, Cannes, Palaiseau, Levallois-Perret, Rueil-Malmaison, Carrières-sous-Poissy et Nice se sont également inspirées de notre accord ! Depuis lors, Ambérieu en Bugey, Amiens, Bar-Le-Duc, Bezons, Blois, la Communauté d’Agglomération du bassin de Bourg-en-Bresse, la Communauté de communes de l’Oust à Brocéliande, Châteauroux, Charenton-Le-Pont, la Maison des communes de la Vendée, Maurepas, Montpellier, Rouen, Chamonix et Strasbourg nous ont contactés !
Et pour cet accord pionner, Suresnes a été, le 15 octobre 2022, lauréate des « Trophées Pet Friendly à la française » ! Ce trophée, qui m’a été remis par Raphaël Mezrahi, parrain du Prix depuis plusieurs années, honore notre ville, va contribuer à plus encore valoriser nationalement cet accord.
Première ville en France à avoir autorisé l’accueil d’animaux domestiques au bureau pour ses agents, et la seule encore à ce jour à avoir signé un accord en ce sens, Suresnes, source d’inspiration et référence dans la fonction publique française, s’affirme de plus en plus comme un « laboratoire de l’innovation sociale » !
Je vous remercie.
Béatrice de Lavalette
Présidente du think tank Société en Mouvement
Conseillère municipale, ville de Suresnes
Membre du CSFPT