« Il n’est pas besoin d’être diplômé de l’école de Guerre pour comprendre et admettre que sans les ânes, nos courageux soldats de Verdun auraient perdu la bataille par manque d’eau, de nourriture, de grenades, de cartouches, de mitrailleuses, de torpilles. On nous a toujours dit que pour sauver la France, il fallait tenir Verdun à tout prix. Quel en a été le prix ? 400.000 morts et blessés français. Les ânes ? Personne n’a pris soin de les compter. Avec leur sang, ils ont tracé un chemin de Gloire que la Voie Sacrée ne pouvait, seule, atteindre ». Raymond Boissy, L’âne de gloire
A Paris, un vœu vaut bien une promesse politique…
« Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent » aurait dit un jour Jacques Chirac, ancien Président de la République et ancien Maire de la ville de Paris. Etrange écho que cette déclaration cynique à celle qui se verrait bien présidente de la République et qui est encore Maire de Paris. Accaparée par ses ambitions jupiteriennes, l’édile parisienne Anne Hidalgo semble en effet avoir oublié le vœu voté en Conseil de Paris en septembre 2018, visant à l’édification d’une stèle en hommage aux animaux victimes de la guerre. Plus de 3 ans après le vote de ce vœu historique, plus rien, l’oubli des hommes a recouvert une nouvelle fois la mémoire de ces millions d’animaux sacrifiés, à quelques jours du 103 -ème anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918.
Paris ville de réquisitions, ville témoin de l’Histoire
Avant la mobilisation de 1914, les armées françaises disposaient de 190 000 chevaux. 100 000 étaient affectés au transport et aux activités de corvée et 90 000, à la cavalerie. Afin de combler les nombreuses pertes du conflit, et soutenir l’effort de cette guerre dévoreuse en vies, de nombreux endroits de la capitale ont très rapidement servi de lieux de réquisitions pour les chevaux, les ânes et les mulets. Plusieurs arrondissements parisiens sont devenus des lieux de dressage pour les jeunes chevaux (débourrage), ou encore de terrain d’exercices pour l’entraînement des chiens ambulanciers.
En 1915, le ministre de la Guerre, Alexandre Millerand crée le Service des chiens de guerre. Ces chiens entraînés sont envoyés au front et sont employés à des tâches diverses, comme monter la garde, patrouiller, rechercher des blessés, transporter des messages, tracter des charges, se faufiler dans les tranchées pour amener des vivres et des médicaments aux soldats. Sur tout le territoire, les Français ont été sollicités pour apporter leurs animaux afin de participer à la défense du pays et les fourrières ont été vidées pour faire face à la demande croissante en recrutements de ces auxiliaires indispensables aux armées.
Des millions de victimes oubliées
Les animaux étaient de tous les combats, présents sur tous les fronts. Les témoignages nombreux qui nous sont parvenus l’attestent, les soldats croisaient partout leurs alter egos animaux sur les chemins de la guerre et sur les champs de batailles. Chevaux de guerre, chiens sentinelles, équidés bâtés ravitaillant le front, ou d’attelage tirant les lourds canons, chevaux de cavalerie, chiens ambulanciers ou messagers, pigeons voyageurs, bœufs, ânes et mules, tous ont contribué à l’effort de la nation dans ce conflit hors norme, tous faisaient partie intégrante de la stratégie militaire de l’époque.
On estime que 14 millions d’animaux ont participé à la Première Guerre mondiale, principalement des équidés (chevaux, mules et ânes). La mortalité de ces animaux réquisitionnés durant le conflit, fait froid dans le dos car 11 millions de ces auxiliaires militaires ont été tués entre 1914 et 1918.
En France au cours de la Grande Guerre, environ 15 000 chiens ont été mobilisés, 5 321 ont été tués ou portés disparus, soit plus d’1/3 des effectifs engagés. Sur 1 800 000 chevaux enrôlés, par les armées françaises 40% sont morts. En ce qui concerne les ânes et les mulets, considérés injustement comme des animaux moins nobles que les chevaux, ils étaient envoyés dans les zones les plus dangereuses pour porter les vivres aux soldats, et les pertes de ces animaux ne seront jamais connues exactement.
Les pigeons étaient en 14/18 chargés de transmettre des messages du front vers l’arrière, plus de 300000 furent utilisés par l’armée française à partir de colombiers fixes et mobiles. Emmenés vers le front dans des paniers en osier, ils étaient relâchés chargés de messages, appelés “colombogrammes” protégés dans des tubes en plume d’oie fixés à l’aile du pigeon, puis en aluminium, fixés à la patte à partir de 1917. Ce moyen de communication était d’une efficacité redoutable car les pigeons étaient difficiles à intercepter, même s’ils étaient la cible de nombreux tirs, des obus et des gaz.
En hommage à ces pigeons soldats, la Fédération nationale des sociétés colombophiles a érigé devant le parc zoologique de Lille en 1936, un monument dédié aux 20 000 pigeons morts pour la patrie ainsi qu’aux colombophiles fusillés par l’ennemi pour avoir détenu des pigeons voyageurs. Le monument de Lille représente la Paix personnifiée qui se dresse sous une nuée d’oiseaux tandis qu’à ses pieds, se trouve un bouclier où figure un pigeon écrasant le serpent symbolisant l’ennemi. La reconnaissance des anciens combattants pour leurs frères d’arme à quatre pattes ou à plumes a été très forte durant le conflit et pendant les années d’après-guerre. Malheureusement cette reconnaissance des compagnons de souffrance ne sera jamais suivie par une reconnaissance officielle des gouvernements qui très vite présenteront ce conflit comme la première guerre mécanique de l’histoire, reléguant le rôle majeur des animaux au rang secondaire et même à l’oubli.
Un monument digne de ce nom pour transmettre la mémoire et rendre hommage
De trop rares villes dans le monde ont édifié des monuments (souvent dans les pays anglo-saxons) en mémoire des millions d’animaux morts lors des conflits. Paris, ville de nombreuses réquisitions de chevaux, de chiens, d’ânes et de mulets en 14/18 doit s’ériger en phare de la mémoire, de toutes les mémoires et redonner aux animaux toute leur place dans cette histoire tragique que fut la première guerre mondiale.
Loin d’opposer les souffrances, ce monument permettra de redonner leur juste place à ces victimes sacrifiées et oubliées par les hommes, alors qu’ils ont vécu ensembles les mêmes horreurs durant ces 4 années d’enfer.
La ville de Montreuil va inaugurer ce jeudi 11 novembre 2021, au cimetière communal, une sculpture en hommage aux animaux morts pendant la guerre. Je serai présent lors de cette inauguration pour honorer la mémoire de toutes les victimes de cette guerre en qualité de Conseiller régional.
Guillaume Prevel
Conseiller régional Ile-de-France du Parti animaliste
Correspondant des Hauts de Seine du Parti animaliste