Si Delphè était fusion, Alphonse tu étais compagnon…Tu es parti la rejoindre dans les étoiles. Mon Alphonse, merci, on se retrouvera tous sur le pont de l’arc-en-ciel.
Alphonse, car Alphos signifie « blanc » en grec ancien. Alphonse, petit rat albinos, blanc de poil comme de « cœur », pur. Alphonse n’était pas un rat de laboratoire, même si son arbre généalogique l’y ramènerait. Alphonse, âge indéterminé, « trouvé » dans un jardin avec pour seule compagnie une tumeur imposante sous la gorge. Alphonse, arrivé dans ma vie un peu plus d’un mois avant la découverte de mon cancer du sein, parti dans son sommeil un peu plus d’un mois après la fin de mes soins de ce cancer du sein. Alphonse, compagnon quotidien, attentif, calme et tendre de tous ces moments que l’on traverse pendant ce parcours. Alphonse, toujours présent à mes côtés lors de grosses fatigues ou de tête qui tourne. Alphonse qui plissait ses petits yeux sous les câlins en « creucreutant », adorable signe de bien-être que tous les rats heureux et aimés nous offrent. Que dire à Alphonse qui vient de me quitter, alors que j’entame la longue convalescence du cancer ? Merci, merci de m’avoir accompagnée, soutenue, tu m’as aidée bien plus que personne ne peut l’imaginer. Tu me manques, mon petit compagnon, petit uniquement par la taille, pas par l’amour.
Et toi, petit rat blanc non issu de labo, tu es également pour moi le symbole d’un combat à mener, celui de la reconnaissance que nous, humains, devons à tes frères et sœurs et à tant d’animaux qui sont morts dans la recherche, dans l’expérimentation animale. Je suis vétérinaire, je soigne les animaux, je les aime et les respecte et je me désole de les voir utilisés en laboratoire, de les savoir mourir. A l’annonce de ce cancer, il fallait bien sûr que je me soigne, mais je savais combien de vies animales, combien de milliers de rats, de souris avaient été sacrifiés, sans qu’ils aient le moindre choix, la moindre chance, et ce pour tenter de me sauver. Alors l’évidence était de se battre contre le cancer, puisque je le pouvais, et de se battre pour ces milliers de vies animales, pour faire savoir ce qu’elles ont « donné », pour ne pas laisser oublier toutes ces vies, pour leur rendre hommage et les aider, autant que cela est possible. J’ai « boosté » mes compagnons de cure de chimio, parfois dans de mauvaises passes, parfois un peu démoralisés, en leur parlant de ces animaux qui ont perdu leur vie pour tenter de sauver la nôtre, en leur disant combien il fallait se battre pour que tout cela ne soit pas vain, et le plus souvent ils n’y avaient jamais réfléchi. Et qu’il fallait se battre pendant les soins mais aussi après, ne pas oublier…

Si chaque personne atteinte d’un cancer ou d’une autre de ces maladies longues et invalidantes avait une pensée pour ces animaux, en parlait autour d’elle, ne serait-ce pas un réel hommage, plus sincère, vivant et utile qu’un mémorial, même si cet hommage « dans la pierre » marque également une reconnaissance et une gratitude ? Si chacun décidait, au sortir des soins, de s’intéresser aux animaux de laboratoire, d’apprendre qu’en plus des 3 R appliqués en expérimentation animale, pour Remplacer (les animaux) , Réduire (leur nombre et leur utilisation) et Raffiner (soulager au maximum les souffrances infligées), on cherche à y ajouter un 4ème R, celui de la retraite , de la réhabilitation, pour offrir une seconde vie hors du labo aux animaux pour lesquels c’est possible, ne serait-ce pas un immense hommage à leur faire ? Aller signer la pétition de l’association GRAAL, pour ce 4ème R, demande quelques secondes.
Changer les mentalités également, pour que certaines associations de protection animale ne « pensent » plus que recevoir des animaux issus de labo puisse être considéré comme une acceptation de l’expérimentation animale : accepter les animaux abandonnés n’est pas cautionner l’abandon. Récupérer des poules pondeuses « en fin de parcours » avant l’abattoir ne constitue pas non plus un cautionnement de leurs déplorables conditions d’élevage ? Ces animaux issus de labo, qu’ils aient été utilisés ou non, nous leur devons respect et reconnaissance. Nous leur devons de parler d’eux, de ne pas nous voiler la face car le sujet est sensible et dérangeant, nous mettant face à une réalité que nous préférons occulter. Non, nous nous devons de ne pas les oublier.
Parler d’eux, les considérer, c’est également une façon de pousser à changer les choses, à forcer tous les milieux concernés, politiques comme scientifiques, à développer toutes ces méthodes alternatives, ces méthodes « non animales », que la majorité d’entre nous appelons de nos vœux, pour que les animaux ne subissent plus.
Mais appeler de nos vœux ne suffit pas, il faut agir. Et agir fait du bien aussi à soi-même quand on se rend utile, quand on se bat pour une bonne et belle cause. Et parler, diffuser, penser à tous ces animaux, ne pas les laisser dans l’ombre, c’est déjà agir. Et si chacun d’entre nous, atteint de maladie ou pas, décidait d’agir un peu, je suis convaincue que les choses changeraient. Les choses vont changer, je le sais, si notre société veut pouvoir se regarder en face, elle le doit. Moi, je continuerai à parler, à agir, à écrire… en hommage à Alphonse, mon petit rat blanc pas de labo.
Merci à chacun de vous qui, pour rendre hommage à tous ces petits, accepterez de signer la pétition du GRAAL : https://www.graal-defenseanimale.org/petition-pour-un-droit-de-retraite/

Brigitte Leblanc
Vétérinaire