L’animal occupe une place de plus en plus importante dans la société et devant la justice. Cette réalité se vérifie aussi en Polynésie française, particulièrement s’agissant des animaux domestiques : les cas dramatiques de meutes de chiens attaquant des habitants ou des touristes – parfois mortellement, ou de chats et chiens victimes d’actes de cruauté suscitent de vives réactions dans la population, qui a participé massivement en juin dernier à une marche solidaire contre la maltraitance animale organisée par une association locale. Ces situations font réagir à l’échelle même du Pays puisqu’il existe en Polynésie française un ministre en charge de la cause animale, Taivini TEAI.

Auteur de dommages ou victime de maltraitance, l’animal domestique peut aussi être un précieux soutien pour l’institution judiciaire : la Polynésie française a ainsi récemment accueilli le premier chien d’assistance aux victimes en Outre-mer, Ukyo, présenté officiellement dans l’enceinte de la juridiction de Papeete le 20 août 2025.

En Polynésie française, la condition animale et son rapport au droit se révèlent être des sujets d’une particulière complexité en raison de spécificités juridiques (principe de répartition des compétences Etat/Pays), mais aussi culturelles (question de la tradition, notamment vis-à-vis de la consommation de viande de chien), géographiques (territoire grand comme l’Europe comptant 118 îles), ou encore sociales et économiques.
Au vu de ce double constat, la juridiction de Papeete a décidé de participer activement aux réflexions sur le sujet en organisant les 30 septembre et 1er octobre prochains un colloque destiné à créer un espace d’échanges inédit entre acteurs publics et privés. Cet événement est co-organisé avec l’Université de la Polynésie française (UPF) qui l’accueille, et il bénéficie du soutien de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM), du Barreau de Papeete, du Conseil de l’accès au droit de la Polynésie française (CADPF), de l’Administration pénitentiaire et du Conseil de l’ordre des vétérinaires de Polynésie française (COVPF).
Ce colloque s’inscrit dans une quinzaine riche en événements consacrés à la condition animale en Polynésie française, en lien avec la semaine nationale du chien (du 27.09 au 07.10) et élaborés par divers acteurs de la vie polynésienne : événements de sensibilisation de la population (Tahiti Uri Days du Syndicat intercommunal pour la gestion de la fourrière animale (SIGFA) dirigé par Matairii MAIRE, Anim’Action des commerçants de Papeete) ; ateliers de co-construction de la politique publique en faveur du bien-être animal (PPBEA) organisés par la responsable « condition animale » de la Direction de l’Environnement de la Polynésie française (DIREN), Karine BONATTO, dans le cadre du Comité consultatif sur le bien-être animal (CCBEA) mis en place par le Pays.
En raison de son orientation juridique et du public spécialisé visé, cet événement apporte une valeur ajoutée spécifique. Du fait de son objet et de sa finalité, il est destiné aux institutionnels et professionnels susceptibles d’être concernés par les sujets traités : les professionnels du droit (avocats, magistrats, délégués du procureur, assistants de justice, personnel de greffe…) et les autres acteurs de la justice (agents pénitentiaires, policiers, gendarmes…), mais aussi les praticiens hors justice (notamment les vétérinaires) et les responsables des institutions de l’Etat et du Pays ; il entre dans les programmes d’actions de formation de plusieurs des participants.
L’objectif est principalement de mettre en lumière les enjeux humains liés à la condition animale : vont ainsi être traités des sujets de société majeurs pour la Polynésie, notamment le lien entre maltraitance animale et violences intrafamiliales, ce type de violences étant une action prioritaire de la juridiction de Papeete sous l’impulsion de la Première Présidente Gwenola JOLY-COZ. De manière plus large, il sera démontré que les différentes formes de maltraitance animale révèlent non seulement les violences mais aussi les fragilités sociales et les inégalités au sein de la population.
Même si l’objet du colloque est juridique, l’approche choisie est pluridisciplinaire : vont ainsi intervenir des professionnels de la justice, des représentants d’institutions locales et nationales, des vétérinaires, ainsi que des chercheurs dans diverses matières (droit, anthropologie, pédopsychiatrie, sociologie…). Il s’agit d’experts ayant une connaissance reconnue de la Polynésie française, mais aussi d’acteurs d’autres Outre-mer et de métropole pouvant apporter un éclairage national sur certains thèmes.
Ce colloque poursuit une dynamique ambitieuse : au-delà de l’incitation, au niveau local, à la réflexion commune et au renforcement des relations entre acteurs de la justice, praticiens, institutions et associations, il souhaite contribuer à positionner la Polynésie française comme moteur de réflexion vis-à-vis des autres Outre-mer connaissant des problématiques similaires.




