Cette histoire pourrait commencer par « il était une fois ». En effet, il est question d’un destin qui éclot dans la misère et la violence et qui finit dans la générosité et l’empathie. Cependant, il ne s’agit pas d’un conte de fée chargé de symbolique : cette histoire s’ancre dans le réel. Elle vient contredire l’assertion des coqueleux[1] selon laquelle un coq dit « de combat » ne respire que pour répandre le sang de ses congénères et ne vibre d’émotion que de rage mortifère. Cette histoire, c’est celle d’Onyx et de Lucas.
Onyx est un coq de la race des combattants liégeois. Une race créée de toutes pièces par l’homme pour générer des caractéristiques physiques et comportementales propices aux combats de coqs. La vie d’Onyx chez le coqueleux n’est que mauvais traitements pour le conditionner à l’agressivité. Il vit dans le noir, séquestré dans une cage pour petits oiseaux. Peu nourri, il n’a aucun contact avec d’autres membres de son espèce. Il subit des mutilations : sa crête et ses barbillons sont tranchés. Son calvaire prend fin en 2022 lorsque la SPA de Saint-Omer le retire des mains de son bourreau. Il est décharné, son plumage est quasi inexistant. Le vétérinaire qui l’examine estime son âge à 2 ou 3 ans. C’est beaucoup pour un coq qui a combattu. D’autres coqs ainsi que des poules sont également saisis au même individu. A son arrivée au refuge, les bénévoles constatent qu’Onyx ne peut être placé au milieu de ses semblables : il attaque tous azimuts, sans discernement et de manière systématique. Il est donc installé à part, seul dans un enclos.
Lucas est à ce moment-là bénévole au Club jeunes de la SPA – il est maintenant membre du Campus animaliste. Chaque samedi, il prend son service au refuge pour s’occuper des animaux. Il voit Onyx et son sort l’émeut, le drame de cet animal l’interpelle. On lui apprend que le coq, en plus de ses congénères, agresse l’homme et qu’il est incapable d’établir un rapport autre que basé sur la violence. Pourtant, Lucas entre dans son enclos, lui parle et constate que l’oiseau ne montre aucune velléité belliqueuse envers lui. Peu à peu, le gallinacé prend confiance jusqu’à manger dans sa main et monter sur ses genoux. Lucas entreprend alors de sortir Onyx de sa condition. De là à l’adopter, il n’y a qu’un pas que le jeune homme franchit après un court temps de réflexion. Il a d’autres coqs et également des poules. Pour protéger ses autres pensionnaires de la fureur d’Onyx, ce dernier est de nouveau placé à l’isolement. Pourtant, Lucas est convaincu qu’avec de la patience et de la douceur, Onyx peut mener une vie normale, à savoir évoluer sereinement au milieu de ses semblables comme l’exige son espèce[2].

Une semaine après l’arrivée d’Onyx, Lucas l’introduit donc dans le poulailler. Hélas, aussitôt, il se précipite sur un coq et l’agresse. Retour dans son enclos mais cette fois avec de la compagnie : trois poules sont avec lui. Et tout se passe bien. Régulièrement, Lucas intervertit les poules afin qu’il se familiarise avec tous les occupants du lieu. Puis, pendant deux mois, le jeune garçon met le coq en présence des autres gallinacés. Invariablement, il se bat avec les mâles, mais sans les blesser : il établit sa hiérarchie. Toutefois, dès qu’il se rue sur un congénère, Lucas le prend dans ses bras pendant de longues minutes et lui parle calmement. Il ne désarme pas de caresses et au bout de deux mois, le coq ne recherche plus le combat. Par mesure de sécurité, Lucas surveille à distance mais Onyx ne montre plus aucun signe d’agressivité et évolue tranquillement au milieu du groupe. Il dort désormais avec les autres coqs, dont rien ne le distingue.
C’est la fierté qui envahit Lucas. Lorsqu’on lui demande de décrire Onyx, il dépeint un coq docile et affectueux qui aime les câlins : « Comme un petit chien. » Onyx montre de la gratitude envers lui. Il est le seul humain en qui il ait confiance. Toute autre personne que Lucas ne recueille de sa part que méfiance, peur et retrait. Aujourd’hui, Onyx est âgé d’environ 5 ou 6 ans. Son espérance de vie est d’une dizaine d’année.
L’histoire est belle. Elle raconte un lien entre deux individus d’espèces différentes qui vont se comprendre et s’aimer. Elle raconte une entrée dans l’âge adulte fondée sur l’échange et la responsabilité. Elle raconte l’empathie de l’homme et celle de l’animal, qui se rejoignent. Elle raconte la constance et la persévérance pour ranimer la vie. Il aura fallu un an et trois mois à Onyx pour renaître à lui-même, grâce à Lucas. Elle pourfend le mythe du coq dit « de combat » qui ne reconnaîtrait que la violence et le chaos. Cette histoire est une exception. De nombreux Onyx sont voués à une vie lamentable, privée de lumière, qui se termine dans le fracas sanglant d’un pitoyable combat qui entache l’Humanité.
[1]Eleveur, éleveuse de coqs dits « de combats ».
[2]Les gallinacés sont des animaux grégaires.

Il y a un commentaire
Lopez
29 septembre 2025 à 11h44
Bravo pour ce que vous avez fait pour Onix !