Les affaires de violences intrafamiliales dans lesquelles les animaux de compagnie sont impliqués se succèdent, toujours plus nombreuses.
En 2024, 243 054 victimes de violences physiques ou sexuelles dans la sphère familiale (conjugale ou non) ont été enregistrées par les forces de sécurité intérieure – Interstats Info Rapide n°47, paru le 27 février 2025.
Concernant les violences psychologiques plus d’une femme sur quatre et un homme sur cinq, déclarent avoir subi au moins une fois des violences (contrôle, dénigrement ou intimidations) – Enquête Genèse 2021.
Selon le baromètre FACOO ODOXA 2024- 2025 61% des Français possèdent un animal de compagnie dont 53% un chat ou un chien (79 millions d’animaux de compagnie en France).
Près de 6 Français sur 10 déclarent posséder un chien ou un chat. Pas moins de 97% des possesseurs déclarent ressentir un attachement profond envers leur animal, allant jusqu’à le considérer comme un membre à part entière de leur famille (68%). Sondage IPOS 21 juin 2023.
À la lueur de ces chiffres il est aisé de comprendre l’enjeu et l’intérêt que peut présenter l’animal de compagnie dans la lutte contre les violences perpétrées au sein de la famille.
L’animal du foyer doit bénéficier de toutes les attentions car précisément il constitue un indicateur pertinent de violences mais également de comportements familiaux dysfonctionnels.
D’où l’importance de poursuivre les faits de maltraitance dite passive – négligence ou de défauts de soins – perpétrés à l’encontre des animaux du foyer, et d’accorder plus de moyens aux associations de protection animale de terrain.
Les violences conjugales ou non et l’animal du foyer
Parfois, l’animal est utilisé comme une véritable arme pour blesser ou menacer physiquement le conjoint.
La simple présence d’un chien dressé aux ordres de l’auteur peut suffire à instaurer un climat de peur.
Les violences seront alors aisément caractérisées et l’animal sera confisqué comme ayant servi à commettre l’infraction.
Dans les situations de violences psychologiques, plus difficiles à qualifier, la relation que l’auteur va entretenir avec l’animal peut permettre d’objectiver l’existence de pressions ou de menaces plus sourdes.
Plusieurs scénarii existent qui vont de l’animal victime, à l’animal-roi, dans le but soit de faire peur, soit de détruire l’autre.
Le maltraitant peut ainsi violenter l’animal physiquement ou menacer de le blesser ou de l’abandonner.
L’animal peut également être victime de cris et insultes. Ces comportements étant accompagnés ou pas de phrases dévalorisant la victime : « pas étonnant que ce soit ton chat/chien », « il est trop con ton chien/chat ».
Le maltraitant peut volontairement négliger l’animal : oublier de sortir le chien pour se dépenser ou faire ses besoins, sauter des repas, tout en banalisant la situation. Toute attitude qui fait craindre un risque pour la santé ou le bien-être de l’animal, si d’aventure la victime devait le laisser seul avec le maltraitant.
Dans d’autres hypothèses, l’animal devient au contraire l’objet de toutes les attentions pour mieux humilier la victime : par exemple, il est cajolé à l’excès alors que la victime est totalement ignorée, il est complimenté : « TOI tu es super ».
D’une façon générale, les conditions de détention d’un animal au foyer renseigne sur le mode de fonctionnement de la cellule familiale et peut devenir un indicateur précieux de bien-être de celle-ci, et vice versa.
Il est donc indispensable de former les professionnels du secteur à ces problématiques pour poser les questions pertinentes, permettant de caractériser ces violences psychologiques, et surtout de ne sous-estimer aucune atteinte au bien-être de l’animal.
Les défauts de soins sur les animaux du foyer
La loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes s’est emparée pour partie du sort de l’animal au foyer:
- en considérant comme circonstance aggravante du délit d’actes de cruauté sur animaux le fait de le commettre en présence d’un mineur,
- en créant un stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la maltraitance animale,
- en modifiant le code de l’action sociale et des familles avec l’instauration d’une veille au repérage et à l’orientation des mineurs condamnés pour maltraitance animale ou dont les responsables ont été condamnés pour maltraitance animale. Avec également l’obligation d’évaluation de la situation d’un mineur suite à des mises en cause pour sévices graves ou acte de cruauté ou atteinte sexuelle sur un animal mentionnées aux articles 521-1 et 521-1-1, lorsqu’elles sont notifiées par une fondation ou une association de protection animale reconnue d’intérêt général.
Cependant, les défauts de soins aux animaux de compagnie sont totalement exclus du dispositif.
L’article R214-17 du code rural et de la pêche maritime interdit de laisser un animal sans nourriture, abreuvement, dispositifs d’attache et soins appropriés ou de le placer dans des conditions de détention ou un environnement pouvant être source de souffrance.
Ces besoins sont précisés dans les certificats d’engagement et de connaissance obligatoires depuis le 1er octobre 2022.
Un chien à l’attache 24 heures sur 24 à l’arrière du jardin, un chat enfermé dans une cage, l’impossibilité pour l’animal d’accéder à de l’eau fraîche à volonté ou de ne pas bénéficier de soins vétérinaires s’il est malade, etc.
Toutes ces comportements, qui constituent des contraventions, peuvent aller jusqu’à la privation totale des besoins de l’animal et donc caractériser le délit d’abandon (521-1 code pénal).
Ils représentent, quelque que soit leur degré, un signal d’alerte sur des graves comportements dysfonctionnels qui ne doit pas être ignoré : méconnaître les besoins fondamentaux et faire fi de la souffrance de cet autre membre de la famille qu’est l’animal du foyer.
Les associations de protection animale de terrain se heurtent pourtant souvent au classement sans suite de ces infractions avec cette difficulté de ne pouvoir se constituer partie civile en raison d’une interprétation restrictive de l’article 2-13 du code de procédure pénale.
Pour un statut de l’animal du foyer
Le nombre important des animaux au sein du foyer et la place privilégiée qu’ils occupent commandent donc un statut particulier d’animal du foyer qui permettrait de créer des infractions spécifiques ou des circonstances aggravantes sur les infractions de défauts de soins par exemple.
Les associations de protection animale œuvrant sur le terrain, qui sont impliquées au quotidien, dans cette lutte doivent se voir doter de nouveaux moyens financiers qui pourraient être déployés au travers de dispositifs fiscaux dédiés ou d’aides de l’État.

Arielle Moreau
avocate en droit des animaux Barreau de la Rochelle