La loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes avait porté un espoir pour bon nombre d’associations de protection animale : l’arrêt de la vente des animaux en animalerie. Espoir vite retombé car ont été pris en compte dans cette interdiction uniquement les chiens et les chats, situation malheureusement quasi-systématique quant à la législation qui doit protéger et encadrer les animaux de compagnie, lesquels sont pourtant loin de se limiter à ces deux seules espèces. Hormis quelques chiches avancées[1], cette loi n’a guère amélioré la situation de nos NAC, pourtant bien nombreux dans les foyers français[2]. Il faut en outre prendre garde à l’évolution qui touche la vente des chiens et des chats depuis la mise en œuvre de cette interdiction, si favorable quant à elle pour leur bien-être et leur équilibre : on constate une augmentation nette d’un e-commerce plus ou moins bien réglementé (plutôt moins que plus…) et qui n’est pas en faveur du bien-être de ces animaux. Il est alors légitime de se poser la question de la pérennité de la vente des NAC en animalerie : force est de constater qu’en dehors de la vente en élevage (les élevages étant peu connus pour de nombreux NAC) et de l’adoption en refuge ou association, la cessation du « circuit » de vente des NAC risquerait d’entraîner cette même dérive vers la vente virtuelle, avec encore moins de surveillance que pour les chiens et les chats, en l’absence d’identification individuelle pour beaucoup de ces NAC. Alors, y aurait-il une possibilité de faire évoluer l’animalerie vers un modèle plus éthique, une animalerie 2.0 ?
Quels sont les principaux reproches faits aux animaleries ?
Le premier reproche qui leur est fait est d’être la source de nombreux abandons, que ce soit abandon « sauvage » ou cession plus responsable en association ou refuge, suite à un manque de vente éthique. Il est difficile d’obtenir des chiffres fiables en la matière, notamment en l’absence d’identification individuelle de nombre de ces animaux[3], ce qui ne permet pas de « remonter la piste » de la personne coupable de l’abandon. Mais il semble impossible de ne pas imputer une part de responsabilité à ce circuit de vente. En effet, le constat est fait que dans de nombreux cas, les conseils ne sont pas au rendez-vous de la vente : le NAC, surtout lorsqu’il est « commun » et « pas cher à l’achat », est vendu en absence de réel intérêt sur ce que vont être ses conditions de vie, à des personnes inaptes ou inconscientes de la responsabilité qui leur incombe. Bien évidemment, il existe des vendeurs consciencieux, mais il n’est pas toujours facile de refuser une vente selon la politique de l’entreprise, et les achats impulsifs sont malheureusement légion concernant surtout les « tout petits » et les « pas chers »…De plus, sachant qu’une seule personne dans toute l’animalerie (ou le secteur animalerie d’une jardinerie) a l’obligation d’avoir été formée aux connaissances nécessaires à la détention responsable de ces animaux[4], il est évident qu’il y a une perte d’informations lorsque d’autres personnes s’occupent des animaux et de leur vente sous sa seule gestion, et parfois en son absence. Et dans notre société encore trop dirigée par le profit, le facteur économique prime encore trop souvent sur le bien-être animal.
Concernant justement ce bien-être, les conditions de détention en animalerie sont bien trop éloignées encore de son respect, et le stress ressenti par les animaux devant l’afflux des visiteurs (la visite dominicale de l’animalerie avec les enfants qui tapent sur les vitres malgré les panonceaux qui le leur déconseillent…), avec des chiens ( la plupart des NAC sont des proies, imaginons un instant l’impact que le chien un peu trop intéressé peut avoir sur eux…), n’améliore pas des conditions de détention déjà bien précaires.
Enfin, selon le sérieux des élevages fournisseurs des animaleries (rappelons que les élevages de NAC domestiques, les espèces donc les plus communes dans nos foyers, n’ont quasi aucun cadre légal[5]), les animaux arrivent à la vente souvent trop jeunes, avec une santé fragile que les stress du transport et de l’arrivée dans leur lieu de détention vont encore agresser, déclenchant nombre de pathologies sous-jacentes. Sombre situation…Mais est-elle inéluctable ? Peut-on rendre ce circuit plus éthique ?
Des solutions ?
Il semble que toute animalerie, si elle veut être garante du bien-être animal qu’elle prône, devrait répondre à ces critères :
- Être légitime : toute personne qui confie un être vivant à une autre personne, donc tout le personnel de l’animalerie qui s’occupe des animaux tant au niveau de l’entretien que de la vente, sans exception, devrait posséder les connaissances requises pour conseiller correctement (par exemple, l’ACACED au minimum, en espérant que la refonte de ce dernier lui fasse gagner en valeur). Ceci permettrait d’avoir les connaissances nécessaires pour certes conseiller un futur acquéreur mais surtout pour justifier du refus d’une vente.
- Être exemplaire : il faut présenter les animaux dans les conditions de vie optimales pour leur bien-être, et non pas dans des espaces limités, respecter leur caractère grégaire ou solitaire, et enfin ne plus mélanger les espèces : ainsi, non, le hamster ne vit pas dans un petit box vitré d’une surface de feuille A4, mais dans un grand espace où il peut creuser, courir, et de plus il vit seul, pas avec d’autres ! Et les lapins et cobayes n’ont rien à faire ensemble…Aucun vendeur, aussi bien intentionné qu’il soit, ne peut convaincre son interlocuteur de la nécessité de donner à un animal un espace plus grand voire la liberté pour les lapins, cobayes, rats…ce qui coûtera un certain prix en matériel, alors que les animaux sont présentés dans l’animalerie dans ces espaces ridiculement petits pour la plupart. De plus, pour préserver la tranquillité des animaux, il serait bon qu’ils soient présentés dans une pièce dédiée où les chiens ne pourraient pas entrer, et où une surveillance serait assurée à chaque instant, en limitant de plus le nombre de personnes présentes simultanément. Ces précautions positives pour l’animal nécessiteraient bien sûr qu’il y ait moins d’animaux présentés dans l’animalerie, mais ceci leur éviterait de rester trop longtemps détenus, quitte à ce que les personnes intéressées attendent un peu leur futur compagnon s’il n’est pas disponible tout de suite…On ne dira jamais assez les bienfaits de l’attente et de la réflexion, pour empêcher un achat irréfléchi et impulsif !
- Être cohérente : dans le cas de l’animalerie, il y a vente et de l’animal et du matériel nécessaire dans la grande majorité des cas. Donc seuls les produits réellement adaptés au bien-être de l’animal dans sa vie future devraient être présentés et vendus. Finies les petites cages plastiques multicolores avec des tuyaux (que seuls les enfants apprécient, pas les hamsters qui y sont enfermés toute leur vie), les pieds de lampe aquarium pour les poissons béta, les petites cages des canaris…Sinon, de nouveau, comment faire acheter un matériel de qualité mais nécessairement plus onéreux, quand à côté sont vendues ces véritables minuscules prisons de plastique pas chères ? Vivriez-vous toujours dans de minuscules toilettes ? Aucun vendeur ne peut être crédible dans cette position.
Ces améliorations pourraient peut-être changer la donne, et éviter à ces petits animaux d’être concernés eux aussi par le trafic toujours croissant et opaque de la vente en ligne. Bien sûr, d’autres améliorations seraient à prévoir, comme identifier de façon individuelle les NAC non encore protégés, même partiellement, par cette identité…Il faudrait également légiférer sur les élevages de NAC domestiques qui échappent encore à toute surveillance. Ces quelques pistes ne méritent-elles pas d’être étudiées ?
[1] savoir-animal.fr/protection-nac-domestiques-occasion-manquee
[2] facco.fr/chiffres-cles/les-chiffres-de-la-population-animale
[3] L’identification individuelle n’est obligatoire concernant les NAC domestiques que pour les furets, et que pour certains d’entre eux concernant les NAC non domestiques (les plus rares ou les espèces potentiellement dangereuses).
[4] ensv-fvi.fr/wp-content/uploads/2021/05/Memoire-B-LEBLANC-DE-PASD-2018.pdf
[5] savoir-animal.fr/loi-preoccuper-lapins-nest-pas-vain

Brigitte Leblanc
Vétérinaire