Ce 12 décembre 2024, L. est réveillé par le silence. Il n’entend plus les gémissements plaintifs des quatre chats qui agonisent dans les deux cages de transport déposées en contre bas du terrain où est installé la caravane de fortune dans laquelle il dort.
Il se dit qu’il ne passera plus devant ces cages. Il n’a pas à affronter cette réalité.
Il se lève et se prépare pour cette journée de travaux qui l’attend. Il espère que V. ne lui demandera pas encore de dépecer une chèvre abattue la veille pour nourrir les chiens.
Elle semblait si confiante cette chèvre quand elle est descendue du camion de transport. Comme lui il y a un an alors que L. et P. lui proposait de l’héberger dans leur maison lui qui errait dans les rues, sans toit, ni famille. N’a-t-elle pas senti cette chèvre les odeurs de cadavres de ses congénères qui jonchent encore le sol de ce lieu maudit. N’a-t-elle pas perçu la détresse qui se cache derrière chaque aboiement des chiens enfermés dans les cages exiguës, sans eau, chaque miaulement des chats encagés, chaque bêlement de chèvre ou de brebis attachées en plein soleil.
Ses anciens propriétaires s’en étaient séparés à regret mais l’avaient laissé partir persuadés qu’elle serait en sécurité dans son nouveau sanctuaire.
Et les deux chats blessés…achevés à coup de barre de fer par P. pour éviter des frais vétérinaires….
L. passe devant le petit miroir fendillé de sa caravane et s’arrête soudain devant ce visage marqué par les épreuves de la vie. Sa décision est prise alors qu’il croise son propre regard. C’est terminé. Il doit se sauver et les sauver de cet enfer.
La peur de perdre son logement, de se retrouver à nouveau à la rue volent soudain en éclats alors qu’il prend son portable et tape sur son moteur de recherche « dénoncer des mauvais traitements à animaux ».
Un numéro de téléphone apparaît celui du 3677 SOS MALTRAITANCE ANIMALE. Ce n’est pas la police. Il préfère. Il expose alors les faits et demande de l’aide pour les animaux encore vivants. Puis attend.
Il est rappelé le lendemain par le référent du 3677 qui contacte aussitôt leur avocate, Me Arielle MOREAU. Les gendarmes du lieu exigent une plainte et des photographies pour prendre le signalement.
Dès le 17 décembre les éléments sont recueillis et envoyés directement au parquet d’Alès. Le procureur Monsieur Abdelkrim GRINI constate alors que L. a déjà été condamné pour des faits de mauvais traitements et qu’elle a surtout une interdiction de détenir des animaux.
Il ordonne immédiatement un transport sur les lieux et dès le 18 décembre 2024 10 chiens, 3 chats, 2 poules, 11 brebis et 13 chèvres seront sortis de cette ferme de l’horreur et confiés à trois associations et SPA indépendantes qui sont affiliées à la Confédération Nationale Défense de l’Animal : la SPA les Amandiers, la SPA Montpellier métropole Méditerranée et L’association EQUI-LIBRE
Les fusils et carabines découverts à l’occasion de la perquisition seront confisqués.
Le 6 juin 2025 à la barre, les prévenus comparaissent pour répondre des faits d’actes de cruauté et de sévices sur animaux.
Le président du tribunal correctionnel statuant en formation de juge unique rappelle les faits de façon méthodique et exhaustive.
Les prévenus sont entendus tour à tour.
L. évoque son amour et sa passion pour les animaux. « Ils sont toutes ma vie » dit-elle après avoir retenue quelques larmes, alors que le président évoque une enfance difficile avec une mère maltraitante qui l’a prostituée à 9 ans et violemment frappée. « Celle que vous appelez ma mère » comme le prononcera L. des sanglots dans la voix.
P. reconnaît la tuerie des animaux de ferme pour nourrir les animaux récupérés par petites annonces, affirmant qu’il ignorait que cela était interdit. Il prétend que les chats ne sont pas morts de faim mais empoisonnés.
Pour le chat achevé à la barre de fer il explique son geste par la nécessité de soulager ses souffrances car il avait été attaqué par les chiens….
Alors que le président leur demande s’il leur semble normal de garder 10 chiens et 3 chats dans de minuscules cages sans eau ni nourriture. Ils contestent les faits en se contredisant, exposant que les animaux sont enfermés le temps des courses et la nuit, pour l’un, le temps des travaux dans la propriété pour l’autre….
Les avocats des parties civiles prennent alors la parole pour les associations qu’ils représentent : la Fondation Brigitte BARDOT, la Ligue des Droits de l’Animal et l’association du Développement du Droit Animalier.
Maître Arielle Moreau intervient pour la Confédération Nationale Défense de l’Animal, la SPA les Amandiers, la SPA Montpellier métropole Méditerranée et l’association EQUI- LIBRE. Elle ouvre les plaidoiries.
L’avocate déplore la carence de l’État à protéger L. alors qu’elle était enfant : « c’est inadmissible mais il serait tout autant inadmissible que l’État ne protège pas aujourd’hui les animaux que vous maltraitez ». Elle conclut à l’attention de la mise en cause : « si vous avez besoin des animaux les animaux eux n’ont pas besoin de vous. Nous demandons des interdictions définitives et la confiscation des animaux avec exécution provisoire car Monsieur le président, les prévenus cherchent à les récupérer ».
L’Alliance anti-corrida comparaît en personne en la présence de sa présidente Claire STAROZINSKI émue par le calvaire subi par ces animaux.
Anne BATAILLER présidente de l’association EQUI-LIBRE qui a recueilli 6 chiens, 3 chats, 2 poules, 11 brebis et 13 chèvres dont 3 sont mortes des suites des défauts de soins est présente dans la salle.
Le procureur Monsieur GRINI la remercie d’avoir pris en charge les animaux.
Il s‘exprime alors et évoque « on ne peut disposer d’un animal comme d’un vulgaire objet (…) les cadavres d’animaux jonchaient le sol (…) cela a été dur pour les gendarmes sur les lieux (…) il fallait aller vite pour sauver les animaux (…) Cette société ne doit pas accepter et ne peut plus banaliser ces faits d’autant que les animaux ne parlent pas et sont en situation de vulnérabilité (…) »
Il requiert contre L. 6 à 8 mois de prison ferme, et contre P. 6 à 8 mois de prison avec sursis. Pour L. et P. Interdiction définitive d’exercer une activité en lien avec les animaux et de détenir des animaux, ainsi que la confiscation des animaux.
L’avocate des prévenus prend ensuite la parole et déclare que ses clients reconnaissent pour partie les faits d’actes de cruauté et de sévices à animaux. Elle revient sur l’enfance difficile de L. et expose « qu’ils ne peuvent pas donner aux animaux ce qu’ils n’ont pas reçu eux-mêmes ». Elle demande que « le tribunal ne les condamne pas à l’interdiction d’exercer une activité en lien avec les animaux : « car Madame utilise ses chiens pour ce livrer à différentes activités : visite dans les hôpitaux, éducation canine etc. ».
Le délibéré est attendu le 27 juin 2025.

Stéphanie Laleman
Animaliste