La mise en danger de la vie d’autrui est une infraction de prévention car elle n’implique pas nécessairement un dommage. La sanction punit l’auteur qui a exposé l’autre à un risque. L’objectif de la loi est ici de protéger une personne et de prévenir les blessures et homicides involontaires.
La responsabilité pénale pour infraction non intentionnelle va sanctionner le comportement imprudent ou négligeant de son auteur lorsque le risque ne s’est pas encore réalisé.
Lorsque le risque s’est réalisé, la violation délibérée d’une loi ou d’un règlement est une circonstance aggravante.
Personne physique ou personne morale, la responsabilité dépend de la contribution y compris indirecte.
SOMMAIRE
- Infraction pénale d’un risque
- Exposition à un risque
- Violation de la loi ou du règlement
- Volonté intentionnelle
- Faute simple, délibérée ou caractérisée
- Responsabilités
- Conclusion
1-Infraction pénale d’un risque
C’est une infraction non intentionnelle, dite d’imprudence puisque l’auteur n’avait pas forcément l’intention de la commettre, il ne recherchait pas le résultat qui a suivi son action.
Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre sauf en cas de mise en danger délibérée d’autrui. [1]
En cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer. Article 121-3 du Code pénal.
Les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public.
La responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits. Article 121-2 du Code pénal. [2]
La mise en danger d’autrui est une infraction pénale selon l’Article 223-1 du Code pénal. [3]
Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d’1 an de prison et 15.000€ d’amende ainsi que la réparation des préjudices.
L’amende est multipliée par cinq pour les personnes morales, Article 131-38 du Code pénal.
La diffusion de données personnelles pouvant exposer autrui à un danger est aussi sanctionnée, le délit étant constitué même sans que l’atteinte ait été commise.
Le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer ou d’exposer les membres de sa famille à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Article 223-1-1. [4]
L’auteur du délit est celui qui diffuse, ce n’est pas nécessairement l’auteur du message initial.
L’auteur doit avoir eu l’intention de nuire en diffusant l’information dans le but d’exposer autrui à un risque direct d’atteinte. L’intention sera déduite du contexte dans lequel l’information a été communiquée.
2-Exposition à un risque
Chacun peut être condamné, même s’il n’a pas fait de victime, simplement parce qu’il en a pris délibérément le risque.
Une simple transgression à la règle ne suffit pas à engager la responsabilité de son auteur. Il faut une exposition immédiate à un risque. Le danger devra être établi séparément de la violation de la règle édictée, la simple violation de l’obligation ne saurait en elle-même constituer le danger, il faut établir un comportement particulier et des circonstances de fait justifiant l’exposition au risque.
Le risque est défini comme la probabilité de la survenance d’un évènement défavorable.
Risque immédiat
La mise en danger est constituée par un risque immédiat selon l’Article 223-1 du Code pénal
Le risque immédiat est plus probable que le risque simple.
Le risque immédiat ne veut pas dire instantané, il signifie dépourvu d’intermédiaire quel que soit le délai dans lequel le dommage pourrait survenir (plusieurs années) ou pas puisque l’infraction existe y compris en l’absence de dommage.
La loi vise à sanctionner l’auteur d’un risque et non pas à réparation des victimes. La notion de dommage subi par la victime n’a pas sa place, il peut survenir à long terme ou ne pas survenir. Le risque causé à autrui est à analyser de façon autonome.
Risque direct d’atteinte à la personne
La mise en danger est constituée par un risque direct d’atteinte à la personne selon l’Article 223-1-1 du Code pénal.
Le législateur parle ici de risque direct et non pas de risque immédiat, afin de ne pas soumettre l’appréciation du risque à un critère de temporalité. Le risque est caractérisé parce qu’il est tangible, sans avoir à prendre en considération le moment où il survient.
3-Violation de la loi ou du règlement
La victime doit démontrer en quoi l’auteur de la mise en danger a violé une obligation particulière imposée par une norme.
En l’absence d’obligation particulière, la mise en danger ne peut être qualifiée.
Le texte de loi ou de règlement doit interdire ou obliger de manière précise. Si la règle est impersonnelle et générale, elle ne peut donner lieu à une mise en danger.
L’obligation particulière de prudence et de sécurité, imposée par la loi ou le règlement, s’apprécie de manière objective et abstraite, immédiatement perceptible et clairement applicable, sans possibilité d’appréciation personnelle par la personne qui y est tenue.
L’existence d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement est une condition préalable, son absence interdit toute poursuite ou mise en examen.
L’interdiction de chasser à moins de 200 mètres des habitations, l’obligation de respecter les angles de 30°, l’interdiction de tirer dans la traque, l’interdiction de tirer à portée d’arme en direction des maisons et des routes, l’interdiction de chasser chez autrui sans autorisation sont des obligations particulières de prudence et de sécurité, objectives, immédiatement perceptibles et clairement applicables sans possibilité d’appréciation personnelle.
En matière de chasse, les lois et les règlements sont, notamment :
Le Code de l’environnement,
Les textes règlementaires relatifs à la chasse à tir ou à la vènerie et aux armes (décrets, circulaires, arrêtés ministériels, préfectoraux ou municipaux),
Le SDGC (schéma départemental de gestion cynégétique),
Les consignes de sécurité du carnet de battue,
La Charte de la chasse,
Les statuts, règlement intérieur et règlement de chasse des associations (obligatoires pour certaines : fédération des chasseurs, association communale de chasse agréé …),
Le bail de chasse de l’ONF (cahier des clauses générales, cahier des clauses particulières),
Les Décisions de la fédération des chasseurs publiée au RAO (répertoire des actes officiels),
Le Code rural et de la pêche maritime (bail rural limitant le droit de chasser au seul preneur, droit personnel interdit au tiers),
Le Code de la route,
Le Code pénal.
Tout texte à caractère législatif ou règlementaire interdisant ou autorisant une obligation particulière de sécurité ou de prudence, objective et abstraite, immédiatement perceptible et clairement applicable sans possibilité d’appréciation personnelle est visé par l’article 223-1 du Code pénal, qui n’impose pas que le règlement soit un règlement de police.
Le CCAG du bail de chasse de l’ONF est validé par les ministres chargés des forêts, de la chasse et du domaine, conformément au
Décret n° 2015-260 du 4 mars 2015 relatif à l’exploitation de la chasse dans les bois et forêts de l’Etat simplifiant le cadre réglementaire du code forestier . [5]
De plus, le Code de l’environnement rappelle l’obligation de conformité du SDGC avec le Code forestier, certain SDGC mentionnant précisément le CCAG du bail de chasse ONF.
La Cour d’appel de Douai précise que le CCAG et le SDGC sont des textes règlementaires (Arrêt du 11 janvier 2024 RG n° 22/03927).
L’identification du caractère particulier de l’obligation relève de l’appréciation des juges.
Constitue une obligation particulière de sécurité ou de prudence, la prescription édictée par l’article du Code de la route, imposant au conducteur de se porter suffisamment sur la gauche pour ne pas accrocher l’usager qu’il veut dépasser, Article R.14 devenu le R.414-4 du Code de la route. (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 23 juin 1999, 97-85.267).
L’article 223-1 du Code pénal n’exige pas, pour son application, que soit visé dans la citation ou la convocation en justice le texte législatif ou réglementaire prévoyant et réprimant l’obligation particulière de sécurité ou de prudence dont la violation constitue l’élément matériel du délit de mise en danger d’autrui défini par cet article.(Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 23 juin 1999, 97-85.267)
Le règlement au sens de l’article 223-1 du Code pénal s’entend des actes des autorités administratives à caractère général et impersonnel. (Cour de cassation Chambre criminelle 99.80.784 du 10 mai 2000).
Les autorités administratives sont des autorités publiques ou des personnes de droit privé chargée d’une mission de service public pouvant prendre des décisions administratives.
Les fédérations des chasseurs sont des organismes privés chargés d’une mission de service public. Avis CADA 20094380 du 22 décembre 2009 rappelé dans celui de 2012. [6]
Elles sont chargées de missions de service public telles que prévues par le Code de l’environnement. [7]
Le décret, pris pour l’application de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement, modifie diverses dispositions réglementaires du code de l’environnement pour permettre le transfert aux présidents des fédérations départementales des chasseurs de missions exercées précédemment par le préfet concernant la gestion des associations communales de chasse agréées et l’attribution des plans de chasse individuels. [8]
La violation consiste à un acte en transgression d’une règle : action ou omission.
La violation d’une règle de sécurité à la chasse fonde la contravention mais aussi le délit de mise en danger.
-La qualification de mise en danger est une atteinte à l’intégrité des personnes. Elle résulte du fait d’avoir exposé des personnes à un risque de mort ou de blessures graves par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi, c’est un délit ;
-Cette infraction est distincte de la violation de la réglementation de la police de la chasse : La règlementation de la chasse comporte des règles destinées à organiser sa pratique, y compris en termes de sécurité des chasseurs eux-mêmes et des non-chasseurs, c’est une contravention ;
-Lorsque le risque s’est réalisé, par des blessures ou homicide, la violation délibérée d’une loi ou d’un règlement est une circonstance aggravante.
Jurisprudences violation du texte :
-En tirant à balles, en bordure d’une voie publique et à 20 mètres de deux personnes qui s’y trouvaient, le chasseur a exposé directement ces dernières à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi, en l’espèce l’interdiction de tirer hors zone de battue signalée, en arrivant sur les lieux avec son véhicule, en descendant et faisant feu à trois reprises malgré la présence de personnes physiques et l’arrivée possible de véhicules. Les prescriptions du schéma départemental de gestion cynégétique relatives à la sécurité des chasseurs et des non chasseurs obligent à pose de panneau et interdiction d’utilisation de véhicule automobile en cours de battue.
L’élément moral est caractérisé par le fait de tirer à plusieurs reprises à proximité immédiate de particuliers et au mépris de la sécurité des autres usagers, ce qui diffère manifestement des seules contraventions de chasse sans signalisation préalable et d’usage illicite d’un véhicule.
Par ailleurs, cette décision de la Cour de cassation rappelle un principe : aucun texte légal n’interdit aux juges de tenir compte de faits prescrits, contradictoirement débattus, pour apprécier les éléments constitutifs d’une autre infraction. Le juge pénal doit statuer sur tous les faits objet de sa saisine, en leur restituant leur véritable qualification, plusieurs infractions peuvent donner lieu à plusieurs qualifications différentes.
Cour de cassation du 05 novembre 2019 n°18-86.281. [9]
-L’hypothèse que sa carabine s’était relevée au moment du second tir a été rejetée, le tir mortel a été effectué dans des conditions fautives en violation du caractère obligatoire d’un tir fichant prescrit dans l’arrêté préfectoral.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 24 novembre 2015, 14-86.934. [10]
-Mise en examen pour mise en danger de la vie d’autrui par violation de l’arrêté préfectoral et du Cahier des Clauses Générales de l’ONF : « Sur le domaine public, le cahier des clauses générale a un caractère règlementaire. »
Arrêt de la Chambre de l’Instruction de la Cour d’appel de Bourges 13 décembre 2005.
-Condamnation du maître d’équipage et des 2 piqueux pour mise en danger de la vie d’autrui par violation délibérée de l’article L.422-1 du Code de l’environnement, nul n’a la faculté de chasser sur la propriété d’autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants-droits, texte édictant des dispositions particulières de sécurité ou de prudences objectives ne donnant lieu à aucune appréciation personnelle et s’imposant à tout chasseur.
Tribunal correctionnel Albi, 26 avril 2012
Jurisprudence absence de texte :
Aucune obligation légale ou règlementaire de concertation entre 2 responsables de chasse sur des terrains contigus et aucune faute à leur reprocher puisqu’ils ont donné les consignes de sécurité en toute clarté.
Seul le tireur est coupable par sa faute personnelle, les deux responsables de chasse sont relaxés dans cette procédure pour blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence.
Cour d’appel de Paris, du 11 avril 2002, 2000/01662. [11]
Pour qualifier l’infraction, il faut démontrer la volonté intentionnelle de l’auteur d’enfreindre une obligation particulière.
4-Volonté intentionnelle
L’intention peut exister même si l’auteur ne recherche aucun résultat, d’où une distinction essentielle entre la faute intentionnelle et la faute non-intentionnelle ou « involontaire ».
L’expression « involontaire » ne signifie nullement que les délits ne sont pas l’œuvre de la volonté, mais signifie seulement que leurs conséquences n’ont pas été voulues.
La seule violation d’une obligation particulière ne permet pas de caractériser le délit prévu par l’article 223-1 du code pénal. Il faut également démontrer que la violation de cette règlementation a été délibérée de la part de son auteur.
L’élément intentionnel résulte du caractère manifestement délibéré de la violation d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, de nature à causer un risque immédiat de mort ou de blessures graves à autrui. Ce texte n’exige donc pas qu’il y ait eu de la part du contrevenant une volonté manifestement délibérée de mettre en danger la vie d’autrui ou d’entraîner des mutilations graves ou une infirmité permanente (Cass. crim., 9 mars 1999, n° 98-82.269).
Le juge n’est pas tenu de constater que l’auteur du délit avait eu connaissance de la nature du risque particulier effectivement causé par son manquement. Il lui appartient toutefois de caractériser un lien immédiat entre la violation des prescriptions règlementaires et le risque auquel ont été exposés les victimes (Cass. crim., 16 février 1999, n° 97-86.290).
La Chambre criminelle retient que l’article 223-1 du Code pénal n’exige pas pour autant que les fautes reprochées au prévenu soient la cause exclusive du danger (Cass. crim., 30 octobre 2007, n° 06-89.365).
Même si la transgression constitue une infraction, elle ne suffit pas à constituer le délit de mise en danger d’autrui si la volonté intentionnelle de l’auteur d’enfreindre la règle est absente.
Si la mise en danger de la vie d’autrui fait partie de la catégorie des infractions non intentionnelles, cela signifie seulement que l’auteur n’a pas volontairement mis la vie de la personne concernée en danger mais seulement eu la volonté d’enfreindre l’obligation particulière.
C’est la volonté de ne pas respecter ou d’omettre de respecter une obligation particulière qui fonde le délit de mise en danger, ce n’est pas la volonté de mettre en danger.
Jurisprudence intention violation texte
-En violation de l’arrêté préfectoral et en toute connaissance de cause puisqu’il avait été mis en garde quelques semaines auparavant par les agents de la dangerosité de chasser en ces lieux, il est coupable de mise en danger d’autrui.
Il n’est pas nécessaire que la faute soit la cause exclusive du danger. Il n’y a pas obligation d’une faute délibérée ou caractérisée en cas de lien direct et immédiat entre la faute et le dommage. Le délit d’homicide involontaire est établi pour avoir tiré en direction de l’autoroute à une distance interdite par l’arrêté qu’il ne pouvait ignorer.
La FDC peut se constituer partie civile au titre de sa mission d’éducation des chasseurs sur l’obligation de respecter les mesures de sécurité.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 février 2017, 15-87.811. [12]
Jurisprudence absence intention violation texte
-un arrêté préfectoral interdisait le tir à moins de 150m des habitations, un chasseur posté à 143m a tiré sur un chevreuil qu’il a manqué et la balle est allé se ficher dans une voiture près d’une maison à proximité d’enfants qui jouaient. Le caractère manifestement délibéré de la violation de l’obligation particulière de sécurité imposé par l’arrêté préfectoral n’a pas été établi et la Cour d’appel n’a pas justifié sa décision. Le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l’infraction qu’il réprime
Cour de cassation rendue le 16 octobre 2007. [13]
5-Faute simple, délibérée ou caractérisée
Deux types de faute existent pour le délit de mise en danger de la vie d’autrui au titre de l’Article 121-3 du Code pénal : la faute simple et la faute qualifiée qui peut être délibérée ou caractérisée.
Faute simple
La faute simple est une faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de sécurité et de prudence prévue par la loi ou le règlement, par action ou omission.
L’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Un lien de causalité directe est nécessaire pour les personnes physiques.
Personnes physiques : chasseur, chef de ligne, directeur de battue, président association de chasse, président fédération des chasseurs, maire, préfet.
Une faute simple suffit pour engager la responsabilité pénale d’une personne morale.
Personnes morales : association de chasse, fédération des chasseurs, ONF, commune, établissement public.
Faute qualifiée : délibérée ou caractérisée
Lorsque le lien de causalité est indirect, la responsabilité pénale de la personne physique est engagée en cas de faute qualifiée (délibérée ou caractérisée), alinéa 4 de l’article 121-3 du Code pénal :
Les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont,
-soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement,
-soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer
Pour la faute délibérée, c’est la violation (par action ou omission) d’un texte précis imposant une règle particulière de sécurité qui est déterminante.
Pour la faute caractérisée, c’est la connaissance du risque qui est déterminante.
Le domaine de la faute délibérée est étroit, dépendant d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, alors que la faute caractérisée n’en dépend pas, ce qui permet des applications plus larges.
Une accumulation de négligences et d’imprudences, qui entretiennent chacune un lien de causalité certain avec le dommage, permet d’établir l’existence d’une faute caractérisée d’une particulière gravité.
Jurisprudence condamnation personne morale et/ou personne physique
-Condamnation de l’association de chasse ACCA Cassianouze et de la chasseuse, responsables du décès d’une randonneuse.
Tribunal correctionnel d’Aurillac des 3 et 8 octobre 2024
-Condamnation du responsable de l’organisation de la chasse à Calvignac et du tireur, responsable du décès d’un habitant dans son jardin.
Tribunal correctionnel de Cahors du 12 janvier 2023.
-Condamnation du lieutenant de louveterie, organisateur de la battue, à 10 mois de prison avec sursis et à deux ans d’interdiction d’exercer cette activité et du tireur jugé coupable dans une moindre mesure selon les juges : condamné à 8 mois de prison avec sursis et à deux ans d’interdiction de participer à une battue.
Le président du tribunal a dénoncé la négligence des règles sur l’interdiction de tirer dans les chemins et l’absence de consignes claires dans le positionnement des tireurs.
L’arrêté préfectoral prévoyant les règles applicables à l’ensemble des usages d’armes à feu sur la voie publique, interdit notamment tout tir en direction des routes et chemins, est applicable même s’il n’est pas visé dans l’arrêté autorisant la battue administrative. Le lieutenant de louveterie, qui a donné des consignes incomplètes et décidé en toute connaissance de cause un positionnement impliquant l’éventualité de tirs traversant un chemin public, a commis une violation manifestement délibérée des obligations particulières de sécurité et de prudence prévue par la loi ou le règlement et a créé les conditions ayant entraîné le décès.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 juin 2022, 21-83.462. [14]
-Condamnation de la Société de chasse personne morale, de son président et chef de battue :
La conduite à tenir, en matière de chasse au grand gibier en battue, est connue des chasseurs, donc de Pascal X…, lui-même titulaire d’un permis de chasse, par le ” petit livre vert du chasseur ” publié par l’Union nationale des Fédérations de chasse et remis à tout chasseur au moment où son permis lui est remis : le tir fichant au sol est impératif ainsi que d’autres consignes.
Le responsable de la battue et agissant pour le compte de l’association de chasse a admis qu’il n’avait pas rappelé aux participants ces impératifs, fautes caractérisées dès lors que la traque a été sonnée, sans matérialisation des postes, sans placement préalable et avertissement donné à chaque tireur, sans rappel de l’obligation de procéder à un tir fichant au sol, sans détermination des angles de tir autorisés et prohibés et sans réitération de l’interdiction absolue de tout déplacement des tireurs postés pendant la battue ; qu’en sa qualité de président de la société de chasse, de chef de la battue et de chasseur, Pascal X… ne pouvait pas ignorer que sa carence exposait les participants à un risque d’une particulière gravité, s’agissant d’une chasse aux chevreuils pour laquelle les munitions étaient constituées par des balles à fort pouvoir de pénétration ;
Il a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter.
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 8 mars 2005, 04-86.208. [15]
-Condamnation président ACCA :
Une battue aux sangliers organisée par l’association communale de chasse agréée de Commenailles (Jura), réunissant quatorze chasseurs postés et quatre autres traqueurs au cours de laquelle un traqueur a été mortellement blessé par le tir horizontal d’un chasseur. En méconnaissance du règlement de chasse de l’ACCA qui interdit les postes mobiles et les tirs dans la traque, il a autorisé M. Y…à changer de poste et à tirer dans la friche, alors que, compte tenu de la portée de tir de la carabine de ce chasseur, il existait un fort risque d’accident pour les traqueurs. Il a créé la situation qui a permis la réalisation du dommage et n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter. Il a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 14 décembre 2010, 10-80.663. [16]
6-Responsabilités
L’absence de condamnation pénale n’empêche pas la responsabilité civile et l’obligation d’indemnisation des victimes.
A la différence des personnes physiques, la responsabilité pénale d’une personne morale ne nécessite pas la preuve d’une faute.
L’irresponsabilité pénale de l’État n’empêche pas la recherche de sa responsabilité sur d’autres fondements.
Lors d’une battue administrative, la responsabilité de l’Etat peut être engagée. [17]
Jurisprudence indemnisation malgré classement sans suite au pénal
Une enquête pénale a abouti à un classement sans suite par le parquet. Dans le document rappelant aux chasseurs les règles de sécurité, la Fédération départementale des chasseurs indique, dans le paragraphe intitulé « rappels élémentaires des consignes de sécurité », qu’il convient de « toujours matérialiser et respecter l’angle de 30° ».
Il résulte de l’enquête que le tir « bien que limite, peut être considéré dans une zone sécurisée ». Cependant, il résulte de cette même enquête que l’intimé «n’a pas calculé l’angle des 30° pour effectuer un tir en toute sécurité» notamment à l’aide de jalons ou de rubans de signalisation, ce qui est conseillé par le schéma départemental de gestion cynégétique approuvé par arrêté préfectoral.
Même si la procédure pénale a conclu à l’absence de contravention de quatrième classe en raison du non-respect de cette disposition, il n’en demeure pas moins qu’il se trouve suffisamment établi que le tireur a commis une imprudence au sens de l’article 1241 du Code civil, d’une part, en ne matérialisant pas physiquement ledit angle de tir de 30°, ce qu’il a d’ailleurs reconnu dans son audition (« avez-vous délimité l’angle des 30° ‘ Non, c’est une erreur de ma part, je l’ai estimé en visuel en fonction de ma position ») et d’autre part, en omettant de prendre en compte la courbe du chemin et en ne se déclarant pas en contrebas après le virage pour prendre un maximum de sécurité. Les blessures subies lors de l’accident de chasse, se trouve directement en lien avec la faute d’imprudence pouvant ainsi être reprochée.
Cour d’appel de Bourges 28 avril 2022 RG n° 21/00413.[18]
Jurisprudence obligation de résultat de l’organisateur de la chasse
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 28 juin 2017, 16-85.291. [19]
Jurisprudence responsabilité de l’Etat lors d’une battue administrative
Une battue administrative avait été organisée sous le contrôle d’un lieutenant de louveterie à proximité d’habitations voisines du parc. Le requérant, tiers à l’opération, a reçu plusieurs plombs de chasse au niveau de son visage, un verre de ses lunettes a été brisé et son chapeau a été transpercé.
Le tribunal administratif retient que la responsabilité de la puissance publique se trouve engagée, même en l’absence de faute, du fait de l’usage d’armes en milieu urbain et à proximité immédiate d’habitations, en raison des risques exceptionnels présentés par cette activité pour la sécurité des biens et les personnes. C’est sur le fondement de la responsabilité sans faute que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l’Etat.
Jugement n° 1300996 du 7 juillet 2014 tribunal administratif de Clermont-Ferrand. [20]
-un agent des services techniques de la commune, également chasseur, a tiré à deux reprises afin d’abattre le sanglier qui représentait un danger dans cette zone d’habitation et de circulation. Mais le tir, fatal pour l’animal, a engendré un éclat de balle qui est venu se loger dans le ventre d’un passant qui en est décédé. La question des responsabilités est posée. [21]
Le maire a pouvoir de police pour prendre toutes les mesures nécessaires en matière de sécurité publique. Son abstention engage sa responsabilité, y compris lors de la mise en œuvre du pouvoir de substitution du préfet en cas de carence à agir du maire.
Responsabilité pénale du maire et responsabilité administrative de la commune : Le Conseil d’Etat considère que la carence du maire à prendre les mesures de police nécessaires constitue une faute grave. La faute personnelle du maire n’exclut pas l’indemnisation par la commune lorsque la faute n’est pas dénuée de tout lien avec le service.
Conseil d’Etat 26 juillet 1918, Epoux LEMONNIER. [22]
Les chasseurs, organisateurs de chasse, présidents d’association de chasse ne peuvent ignorer leurs responsabilités, largement diffusées dans leurs instances. [23]
Ces informations sont aussi documentées dans leurs médias spécialisés. [24]
La Cour a considéré que la mission d’information et d’appui technique imposait une veille législative et règlementaire, notamment en informant sur son site internet des informations pouvant affecter le droit de chasser.
Cour d’appel de Nancy RG n° 23/00613 du 1er juillet 2024. [25]
7-Conclusion
La mise en danger de la vie d’autrui c’est faire courir un risque grave par imprudence, négligence ou par refus de prendre des mesures de prévention.
Nul n’est censé ignorer la loi, les chasseurs encore moins : lors de la formation au permis de chasser, lors de la délivrance du permis, chaque année lors des autorisations préfectorales de chasser, tous les 6 ans lors de l’élaboration du SDGC, par le site internet de la fédération qui a obligation légale d’information, d’éducation des chasseurs ainsi que veille juridique et législative, ainsi qu’a chaque battue avec l’émargement du carnet de battue.
Cependant, pour éviter l’excuse du « je ne savais pas », « je n’étais pas informé », des moyens sont utiles : pose de panneaux informatifs autour de son terrain « chasse interdite, défense d’entrer », courrier de rappel des obligations légales et règlementaires à son voisin chasseur, au président de la société de chasse ou de l’ACCA, courrier au maire et/ou au préfet de signalement d’incident et/ou de demande d’un arrêté de sécurité publique à la chasse autour des zones à risques, plaintes.
Si les chasseurs sont bien informés par leur fédération, les victimes des chasseurs sont mal informées. La règlementation est complexe, les décisions de justice inaccessibles, leurs publications n’étant prévues qu’en 2027. L’information doit circuler pour aider à la prévention des risques et éviter la mise en danger des tiers non-chasseurs.
Lili administratrice CVN
[1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006417208/2025-01-22/
[2] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006417204/2025-01-24/
[3] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000024042637/2025-01-22/
[4] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000049312762/2025-01-25/
[5] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030931543
[6] https://cada.data.gouv.fr/20120670/
[7]https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000006188820/
[8] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039666953
[9] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000039389071/
[10] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000031545004
[11] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000006940875
[12] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034085317
[13] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000017920148/
[14] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045905062
[15] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007067394
[16] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000023352177
[17] https://questions.assemblee-nationale.fr/q11/11-18934QE.htm
[18] https://www.courdecassation.fr/en/decision/626b8161d1fb03057d9a500f
[19]https://www.village-justice.com/articles/responsabilite-organisateur-chasse-obligation-resultat,28032.html
[20]https://consultation.avocat.fr/blog/francois-muta/article-40757-responsabilite-de-l-etat-pour-les-dommages-causes-aux-tiers-lors-d-une-battue-administrative.html
[21]https://www.paris-normandie.fr/id478282/article/2023-12-23/sanglier-abattu-en-centre-ville-de-gaillon-un-homme-touche-par-un-eclat-de-balle
[22]https://www.conseil-etat.fr/decisions-de-justice/jurisprudence/les-grandes-decisions-depuis-1873/conseil-d-etat-26-juillet-1918-epoux-lemonnier
[23]https://www.chasseurdefrance.com/accident-de-chasse-un-tireur-plusieurs-responsables/
[24]https://www.chassons.com/chasse-en-france/legislation/qui-est-responsable-en-cas-daccident-de-chasse/391448/
[25]https://www.courdecassation.fr/en/decision/668397ef8da90185712ea437
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Convention Vie et Nature
Mouvement d'écologie éthique et radicale pour le respect des êtres vivants et des équilibres naturels