ActualitésAnimaux sauvagesChasse : droit de suite, une rumeur au profit des chasseurs

Convention Vie et Nature14 janvier 202512 min

L’actualité, notamment dans le Lot concernant le frère de Morgan KEANE tué dans son jardin par un chasseur, met une fois encore en évidence la confusion savamment entretenue par les chasseurs.

Le droit de suite est l’autorisation de chasser chez autrui. En l’absence d’autorisation, il y a infraction pénale de chasse chez autrui.

Récupérer le gibier mort tombé chez autrui nécessite l’autorisation. Le propriétaire du terrain peut choisir d’apporter lui-même le cadavre au chasseur sans l’autoriser à entrer. Il peut aussi l’autoriser à entrer, sans chien et sans fusil, pour récupérer le cadavre ou achever l’animal agonisant. Sans autorisation c’est l’infraction pénale d’intrusion non autorisée.

La recherche du gibier blessé se fait avec les conducteurs de « chiens de sang ». Ce n’est pas un acte de chasse et elle oblige aussi à autorisation d’entrer sur une propriété privée.

Trois formulations pour trois actions différentes qui relèvent de règlementations différentes.

La décision finale revenant au juge, magistrat indépendant, qui permet de préserver les droits des non-chasseurs.

Sommaire

  1.  Droit de suite acte de chasse autorisé
  2. Récupérer le gibier mort
  3. Rechercher un gibier blessé

Le droit de suite c’est l’autorisation de chasser chez autrui, c’est un acte de chasse.

Le droit de suite est l’autorisation de continuer à suivre chez autrui le gibier dont la traque a commencé sur le territoire de chasse.

Ce droit de suite est donc une autorisation dont le chasseur doit apporter la preuve.

Cette autorisation doit être explicite puisque nécessaire pour la pose des bracelets sur certaines espèces de gibier, le bilan des prélèvements à déclarer, le plan de chasse ou le plan de gestion ainsi que l’appropriation du gibier puisque selon certains règlements intérieurs, le gibier appartient soit à celui qui l’a tué, soit au détenteur du droit de chasse ou au détenteur du droit de chasser.

Il n’y a aucune autorisation tacite, la loi du 3 mai 1844 instaurant définitivement l’obligation d’un consentement, reprise dans le Code de l’environnement actuel :

Article L422-1 du Code de l’environnement 

Nul n’a la faculté de chasser sur la propriété d’autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants droit.

Sans autorisation c’est l’infraction pénale de chasse chez autrui :

Article R428-1 :

I.-Est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe le fait de chasser :

1° Sur le terrain d’autrui sans le consentement du propriétaire ou du détenteur du droit de chasse ;

Article L428-1

Est puni de trois mois d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 euros le fait de chasser sur le terrain d’autrui sans son consentement, si ce terrain est attenant à une maison habitée ou servant à l’habitation, et s’il est entouré d’une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins.

Si le délit est commis pendant la nuit, la peine d’emprisonnement encourue est de deux ans.

Sans compter les autres circonstances aggravantes et peines complémentaires.

L’infraction pénale de chasse chez autrui concerne également les chiens en action de chasse.

A ne pas confondre avec la divagation des chiens, après la fin de l’action de chasse, de la responsabilité de leur propriétaire ou de leur gardien.

La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 12 juin 1846 confirme l’obligation d’apporter la preuve du consentement à la chasse chez autrui pour éviter l’infraction pénale, jurisprudence confirmée depuis. L’autorisation peut être ponctuelle ou momentanée et ne peut être confondue avec une cession de droits de chasser.

Le droit de suite n’existe donc que s’il est autorisé et prouvé.

La reconnaissance d’un droit implique d’en apporter la preuve.

1-Dans les communes à ACCA (association communale de chasse agréée) :

  • Aucun droit de suite ne peut exister lorsqu’un propriétaire a fait valoir son droit de retrait au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse au titre de l’article L.422-10-5° du code de l’environnement. D’une part, un acte officiel de la FDC (fédération des chasseurs) publié au RAO (Recueil des actes officiels) le prouve, d’autre part le Conseil d’Etat confirme l’interdiction de chasser pour tous dans tous les terrains appartenant aux propriétaires en opposition de conscience (Arrêt du 9 novembre 2007) et, enfin, il y a les panneaux informatifs obligatoires.

Il y a donc une preuve d’interdiction du droit de suite sur ces terrains en opposition de conscience en zone ACCA ainsi que dans la zone des 150 mètres autour de l’habitation.

  • Pour les zones de 150 mètres autour de toutes les habitations ne faisant pas partie du territoire de chasse de l’ACCA, il peut y avoir de la chasse par les propriétaires et leurs invités, autres que ceux ayant fait valoir leur opposition de conscience. L’infraction de chasse chez autrui peut donc survenir si aucune autorisation de « droit de suite » n’a été demandée aux propriétaires riverains. Pour éviter tout risque et toute confusion, la matérialisation de l’interdiction de chasser peut se faire par des panneaux informatifs autour des zones des 150 mètres.

2-Dans les communes hors ACCA

Le droit de chasse appartient au propriétaire qui peut déléguer le droit de chasser par différents moyens. En l’absence d’autorisation de chasser, il n’y a pas de droit de suite.

Le propriétaire peut matérialiser son interdiction par différents panneaux informatifs pour éviter toute confusion.

3-Dans les départements de Moselle, de Bas-Rhin ou du Haut Rhin

Une législation particulière existe.

Textes relatifs au droit de suite

  • Les décisions issues de la Révolution de 1789

Le décret du 4 août 1789 a supprimé le régime féodal et instauré le droit de chasse inhérent à la propriété, créant l’interdiction de chasser chez autrui sans consentement confirmée par le décret du 30 juillet 1793. Les veneurs tentent en vain d’obtenir un droit de suite puisque la chasse à courre exige de grands espaces et que les chiens sont difficilement contrôlables, voulant ainsi maintenir leurs privilèges au détriment des cultivateurs voisins. La loi du 3 mai 1844 refuse d’inscrire le consentement tacite, instaurant définitivement l’obligation d’un consentement en excluant le consentement tacite.

  • CEDH arrêt du 29 avril 1999 AFFAIRE CHASSAGNOU ET AUTRES c. FRANCE

La CEDH rappelle la Loi : « Nul n’a la faculté de chasser sur la propriété d’autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants droit. » Il en résulte que le « droit de chasse » appartient au propriétaire foncier. Ce droit est exclusif, sous réserve du «droit de chasser » que la loi confère au preneur d’un bail rural sur le fonds.

La décision du droit d’un propriétaire de refuser de chasser sur son terrain a conduit à la création du droit de retrait de l’ACCA au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse au titre de l’article L.422-10-5° du code de l’environnement.[1]

Le droit de chasser du preneur est un droit personnel, attaché à la qualité de preneur d’un bail rural qui ne peut en faire bénéficier un tiers ou un membre de sa famille ni en faire cession à titre gratuit ou onéreux. Article L.415-7 du CRMP

  • Question écrite à l’Assemblée nationale 2010

L’inexistence d’un droit de suite à la chasse y compris pour la vénerie :

« elle est soumise aux mêmes contraintes que les autres formes de chasse. Les veneurs ne disposent pas du droit de suite sur les terrains d’autrui ni a fortiori sur la voirie publique. « 

« en octobre 2009, d’un chasseur qui avait achevé un cerf dans la cuisine d’un particulier et qui a été condamné pour « chasse sur le terrain d’autrui » ou pour un autre veneur condamné pour « violation de domicile » pour des faits similaires ». [2]

  • Bail de chasse ONF 30 novembre 2017

Le Cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale indique très précisément la règlementation du droit de suite en forêt domaniale, décrit sous les désignations « faculté de suite » et » possibilité de suite » :

Sur un même territoire, le droit de chasse à courre et le droit de chasse à tir peuvent être loués (ou exploités par voie de licences) séparément, formant deux ou plusieurs lots. Les locataires à tir situés dans le périmètre d’un lot de chasse à courre ne pourront pas s’opposer à l’exercice de la vènerie. La « faculté de suite » des locataires de vènerie en forêt domaniale s’exerce les jours qui lui sont réservés en forêt domaniale sur tous les lots domaniaux pour les animaux qu’il aura lancés en forêt domaniale ou en dehors de celle-ci.

Les « facultés de suite » s’exercent librement sur les lots domaniaux et selon la réglementation propre à chaque réserve située en forêt domaniale.

-En outre, pour la vènerie à cheval, le demandeur devra apporter l’accord écrit de l’ensemble des locataires de chasse du massif susceptibles d’être concernés par la « facilité de suite » sans que cet accord ouvre droit à compensation d’aucune sorte : pas d’attaque dans le territoire en réserve et sa zone tampon s’il en existe une, mais possibilité de suite pour les chiens ainsi que deux veneurs (à cheval ou à pied)

-Pour les lots de chasse à courre qui comprennent des territoires en réserve où la chasse y est proscrite les modalités suivantes s’appliquent : pas d’attaque dans le territoire en réserve et sa zone tampon s’il en existe une, mais possibilité de suite pour les chiens ainsi que deux veneurs (à cheval ou à pied). [3]

  • Code pénal infraction intrusion non autorisée

Nouvelle infraction pénale créée à la demande des chasseurs par la loi du 2 février 2023 pour la protection de la propriété privée

Article 8 :  Après l’article 226-4-2 du code pénal, il est inséré un article 226-4-3 ainsi rédigé : « Art. 226-4-3.-Sans préjudice de l’application de l’article 226-4, dans le cas où le caractère privé du lieu est matérialisé physiquement, pénétrer sans autorisation dans la propriété privée rurale ou forestière d’autrui, sauf les cas où la loi le permet, constitue une contravention de la 4e classe.»[4]

  • Cour de cassation criminelle 12 juin 1846

La loi du 3 mai 1844 ne punit la chasse sur le terrain d’autrui qu’en tant qu’elle a lieu sans le consentement du propriétaire et laisse aux tribunaux le droit de décider s’il y a consentement du propriétaire d’après les éléments de preuve.[5]

Lorsqu’il a tué un gibier, le chasseur en devient alors propriétaire, l’animal passant du statut de Res nullius à Res propria.

Lorsque le gibier est mortellement blessé sur le territoire de chasse autorisé mais finit sa course pour tomber chez autrui, le chasseur peut demander à récupérer son bien. Le propriétaire peut lui apporter le gibier mort ou l’autoriser à entrer pour récupérer le cadavre.

Si le gibier est agonisant, le propriétaire peut l’autoriser à entrer pour achever l’animal, ce qui n’est pas un acte de chasse.

Dans tous les cas, le chasseur doit entrer sans chien et sans fusil, d’autres armes de chasse existent : couteau de chasse ou épieu.

L’autorisation évite l’infraction pénale d’intrusion non autorisée chez autrui.

Le chasseur doit pouvoir prouver qu’il avait mortellement blessé le gibier AVANT qu’il ne tombe sur le terrain d’autrui. A défaut, il y a infraction pénale de chasse chez autrui.

Un gibier blessé non mortellement peut errer longtemps, pouvant être source de souffrance et de danger. Le Code de l’environnement impose au SDGC d’en fixer les règles, Article L.425-2-3°.

La loi impose une Charte de la chasse établissant un code de comportement du chasseur et des bonnes pratiques cynégétiques (Article L.421-14). Les fédérations de chasse précisent les modalités de la recherche du gibier blessé dans leur SDGC (schéma départemental de gestion cynégétique) opposable à tous les chasseurs. Certains arrêtés préfectoraux les précisent également.

La recherche de gibier blessé se fait par des conducteurs et des chiens de rouge. [6]

Ces modalités s’imposent aux seuls chasseurs et ne peuvent empiéter sur les droits de propriété des non-chasseurs ou opposants à la chasse. A défaut d’autorisation d’autrui, il y a infraction pénale d’intrusion non autorisée, Article 226-4-3 du code pénal.

Les chasseurs ne peuvent imposer leurs incursions dans les propriétés privées.

Le principe est clair : chasser ou entrer chez autrui sans autorisation est interdit.

Lili administratrice CVN


[1] hudoc.echr.coe.int

[2] questions.assemblee-nationale.fr

[3] onf.fr/outils/ressources

[4] legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo

[5] ecologie-radicale.org/images/stories/doc_pdf/Obligation_preuve_autorisation_chasse_chez_autrui_cass_crim_12_06_1846.pdf

[6] unucr.fr/conducteurs


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