EnvironnementActualitésDésobéissance civile environnementale : un droit citoyen, un devoir pour l’Humanité

Convention Vie et Nature28 octobre 202448 min

La désobéissance civile met en lumière la violence des institutions abusives.

Désobéir aujourd’hui pour l’avenir : lorsque les négociations échouent, quand le dialogue est rompu, quand les décisions prises par les gouvernements ou les entreprises mettent en danger la santé, la sécurité, la liberté de chacune et chacun, désobéir devient un devoir citoyen.

Celui qui considère la non-violence comme un principe n’a pas à rester passif.

La résistance à l’oppression est un droit constitutionnel.

La désobéissance civile devient un devoir pour tous ceux qui sont soucieux de la dignité humaine, qui ne veulent pas collaborer avec l’injustice et qui cherchent, en enfreignant la loi, à enrayer la machine qui produit l’oppression.

La loi injuste est la loi qui « dégrade la personne humaine ». Chacun est moralement tenu de désobéir aux lois injustes.

En France, le texte fondateur de la désobéissance civile est le Serment du Jeu de Paume ayant conduit à l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, texte constitutionnel.

« Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »

Une récente définition de la désobéissance civile a été publiée par le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les Défenseurs de l’Environnement au titre de la Convention d’Aarhus, Convention signée par la France :

La désobéissance civile se définit par des «  actes de violation délibérée de la loi, concernant une question d’intérêt public, menés publiquement et de manière non violente. »

« Les États ont l’obligation de respecter et de protéger le droit d’avoir recours à la désobéissance civile pacifique, qu’elle ait lieu en plein air, à l’intérieur, en ligne ou dans des espaces publics ou privés. »

La désobéissance civile, loin d’affaiblir les institutions, pourrait au contraire les renforcer en provoquant une compréhension plus claire de leurs idéaux fondateurs et en faisant participer davantage l’opinion publique au processus normatif.

SOMMAIRE

I-LA DESOBEISSANCE CIVILE : UN CONCEPT MODERNE PAR-DELA LES SIECLES

1-La désobéissance civile existe depuis l’Antiquité

2-Plusieurs personnalités sont représentatives de cette philosophie politique non-violente moderne

3-Nuremberg : la désobéissance obligatoire

4-Considérations élémentaires d’humanité, intransgressibles, Cour internationale de justice

5-Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH)

6-Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)

7-Plainte de particulier victime de violation des droits énoncés au PIDCP

8-La désobéissance civile : droits garantis par le PIDCP

9-Répression par l’État des manifestations et de la désobéissance civile environnementale : une menace majeure pour les droits humains et la démocratie

10-Droits humains et environnement

11-Santé et bien-être : l’animal fait partie intégrante de l’environnement

12-La désobéissance civile environnementale

13-Désobéissance civile légitime, le principe de non-violence interdit la passivité, devoir de désobéissance

II-DECISIONS DE JUSTICE ENVIRONNEMENTALE

1-Désobéissance civile

2-Etat de nécessité

3-Objection de conscience

III- CONCLUSION

La désobéissance civile en résumé :

Un rempart décisif contre toute forme d’illégitimité politique, dont la tyrannie et le despotisme est l’exemple ;

La résistance à un pouvoir arbitraire, un devoir de chaque citoyen ;

L’opposition à la tyrannie de la majorité : une minorité n’a aucun pouvoir tant qu’elle s’accorde à la volonté de la majorité ;

Un devoir : Chacun est moralement tenu de désobéir aux lois injustes ;

Une obligation de désobéir aux ordres contrevenant au droit humanitaire ;

Une norme de droit international : Considérations élémentaires d’humanité, protection des besoins fondamentaux de l’être humain ;

L’individu a des devoirs envers autrui et envers la collectivité à laquelle il appartient et est tenu de s’efforcer de promouvoir et de respecter les droits reconnus dans le PIDCP ;

Droit international des droits humains, la désobéissance civile est reconnue comme une forme d’exercice des droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique, garantis respectivement par les articles 19 et 21 du PIDCP ;

Toutes les actions de désobéissance civile sont une forme de manifestation et, tant qu’elles sont non violentes, elles constituent un exercice légitime de ce droit ;

Obligation juridiquement contraignante aux pays qui sont parties à la Convention d’Aarhus de veiller à ce que les personnes exerçant les droits que leur confère la Convention ne soient pas pénalisées, persécutées ou harcelées pour cette raison ;

Tout membre du public cherchant à protéger le droit de vivre dans un environnement adéquat pour sa santé et son bien-être est un défenseur de l’environnement ;

L’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel, l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains, la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ;

L’accès à un environnement propre, sain et durable est un droit humain universel ;

Le bien-être de l’humanité est intrinsèquement lié à la bonne santé de l’environnement et des animaux.

La répression par l’État des manifestations et de la désobéissance civile environnementale est une menace majeure pour les droits humains et la démocratie.

    1. La désobéissance civile existe depuis l’Antiquité.

    Sophocle, philosophe grec, utilise le personnage d’Antigone pour plaider contre la tyrannie, soutenant les valeurs démocratiques attachées à Athènes et surtout pour défendre les valeurs universelles du droit naturel et divin, rempart décisif contre toute forme d’illégitimité politique, dont la tyrannie et le despotisme est l’exemple.

    2- Plusieurs personnalités sont représentatives de cette philosophie politique non-violente moderne.

    • Bailly est le 1er député à prêter serment après avoir lu le texte du Serment du Jeu de Paume en 1789, acte fondateur de la démocratie française.

    Les députés du tiers-état espèrent des réformes. Rapidement déçus, ils refusent de se soumettre au pouvoir royal. Ils s’allient avec quelques députés du clergé et de la noblesse et prêtent serment :

    “Nous jurons de ne jamais nous séparer et de nous réunir partout où les circonstances l’exigeraient, jusqu’à ce que la Constitution du royaume fût établie et affermie par des fondements solides.”

    Événement fondateur de la démocratie française, le Serment du Jeu de paume est à l’origine de la séparation des pouvoirs et de la souveraineté nationale. En est issue l’Assemblée nationale constituante qui vote, en août 1789, l’abolition de la féodalité et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. [1]

    La résistance à l’oppression est un droit inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

    Ce texte fait de la résistance à un pouvoir arbitraire un devoir de chaque citoyen.

    Il trouve son origine dans l’idée qu’une démocratie ne peut pas vivre sans le soutien de ceux à qui elle est destinée, les citoyens. Les citoyens doivent jouir des droits d’un régime de liberté et être aussi capables de se mobiliser pour empêcher l’installation d’un pouvoir non démocratique.

    • Thoreau conceptualise la désobéissance civile en 1849, dans son essai de philosophie politique Civil Disobedience.

    Philosophe, naturaliste et poète américain, il rédige un essai tiré de son expérience personnelle. Il refuse de payer ses impôts parce qu’ils qu’ils financent la guerre, il est engagé contre la politique esclavagiste et contre l’injustice envers la population indigène.

    L’auteur critique les bases de la prise de décision d’un gouvernement : ce n’est pas l’idée la plus juste qui remporte l’adhésion, mais l’idée de la majorité. Il critique ainsi la tyrannie de la majorité.

    Il prenait la défense des minorités : « une minorité n’a aucun pouvoir tant qu’elle s’accorde à la volonté de la majorité : dans ce cas, elle n’est même pas une minorité. Mais, lorsqu’elle s’oppose de toutes ses forces, on ne peut plus l’arrêter ».

    • Gandhi s’oppose à la passivité et considère la désobéissance civile comme un devoir, en 1906, par son Serment de la désobéissance.

    « Celui qui considère la non-violence comme un principe n’a pas à rester passif. Partout où c’est possible, la désobéissance civile doit se déclencher. »

    Il fait prêter serment aux manifestants de ne jamais se soumettre à cette « loi noire », qualifiée de « loi scélérate » pour défendre la minorité indienne en Afrique du Sud. Le gouvernement vient de promulguer un projet d’ordonnance pour lutter contre l’immigration asiatique illégale, obligeant tous les Indiens à se faire inscrire auprès des autorités et à laisser leurs empreintes digitales sous peine d’amende, de prison ou de déportation.

    • Luther King fait émerger la notion de désobéissance civile dans le débat public.

    Le Mouvement des droits civiques, dans les années soixante aux États-Unis, né de la décision individuelle de Rosa Parks de désobéir à la loi ségrégationniste dans les bus. Condamnée à une amende, elle fait appel et une mobilisation de protestation se met en place avec le boycott de la Compagnie de bus, ce qui aura pour conséquence la suppression des lois ségrégationnistes dans les bus.

    Martin Luther King affirme que l’objectif de l’action directe non-violente n’est pas de vaincre l’adversaire, mais de le gagner à la cause qu’il défend. C’est pourquoi il préconise d’abord le dialogue et la persuasion pour tenter de le convaincre. C’est seulement lorsque le dialogue a échoué ou qu’il n’est plus possible, que l’action directe non-violente devient inévitable.

    Il aura le souci constant d’expliquer et de justifier les raisons qui le poussent à enfreindre les lois ségrégationnistes.

    « Nous entendons agir directement contre l’injustice, sans attendre que d’autres le fassent pour nous. Nous n’obéirons pas à des lois injustes, nous ne nous soumettrons pas à des pratiques injustes. »

    Lorsque le constat est fait de l’impuissance des moyens légaux de non-coopération aux lois injustes, il faut passer à la désobéissance civile qui devient légitime.

    L’étape suivante, c’est la désobéissance civile de masse. « Il nous faut plus qu’une affirmation devant la société ; il nous faut une force qui interrompe son fonctionnement à certains postes-clés. Il ne s’agit pas seulement de désobéir pour être en accord avec sa conscience, mais de s’organiser collectivement pour établir une pression politique insupportable pour le pouvoir. La désobéissance civile doit donc rechercher l’efficacité politique. »

    La désobéissance civile devient un devoir pour tous ceux qui sont soucieux de la dignité humaine, qui ne veulent pas collaborer avec l’injustice et qui cherchent, en enfreignant la loi, à enrayer la machine qui produit l’oppression.

    La loi injuste est la loi qui « dégrade la personne humaine ». Chacun est moralement tenu de désobéir aux lois injustes.

    3- Nuremberg : la désobéissance obligatoire

    Au procès de Nuremberg en 1945, la question de l’obéissance à l’autorité a été au cœur des débats.

    « Jusqu’à quel point le principe de légalité doit prévaloir sur celui de justice ? »

    Les juges ne se sont pas bornés à reconnaître le droit de la personne à désobéir aux normes iniques, ils ont aussi condamné ceux qui avaient obéi à ces normes, transformant ainsi le droit de désobéir à un ordre illégal ou inique en un devoir dont l’inaccomplissement mérite la punition correspondante.

    «Le loyalisme politique, l’obéissance militaire sont des choses excellentes, mais elles n’exigent ni ne justifient la perpétration d’actes manifestement injustifiables. Il arrive un moment où un être humain doit refuser d’obéir à son chef, s’il doit aussi obéir à sa conscience. »

    Le devoir de désobéissance figure désormais dans l’énoncé officiel des principes de Nuremberg.

    «Le fait d’avoir agi sur l’ordre de son gouvernement ou celui d’un supérieur hiérarchique ne dégage pas la responsabilité de (l’agent) s’il a eu moralement la faculté de choisir.»

    Le principe de l’obéissance passive est l’un des plus grands pourvoyeurs de crime de guerre puisque la réalisation du crime n’est possible que grâce à la coopération des agents d’exécution et à leur stricte soumission à l’autorité. Sans eux, le décideur n’est rien.

    Le premier rempart est la faculté individuelle de s’opposer à l’ordre, plus efficace que l’interdit édicté ou la perspective de comparaître devant un tribunal.

    Dans certains milieux, l’obéissance passive et sans réplique aux ordres du supérieur continue à représenter la condition fondamentale, sine qua non, de la discipline.

    Or, tout subordonné qui reçoit un ordre contrevenant au droit humanitaire intransgressible doit être bien conscient de la nécessité de lui refuser obéissance.

    Il y a obligation de désobéir aux ordres contrevenant au droit humanitaire.

    4-Considérations élémentaires d’humanité, intransgressibles, Cour internationale de justice

    La Cour internationale de justice a élaboré un concept qui s’érige, aujourd’hui, en norme de droit international, il s’agit des considérations élémentaires d’humanité. Considéré comme un aspect coutumier du droit international, c’est la protection des besoins fondamentaux de l’être humain, encore plus absolus en temps de paix

    Ce sont des principes du droit international coutumier, qui s’imposent à tous, dont le dénominateur commun est l’obligation de respecter la dignité humaine de la personne humaine, normes impératives, absolues, minimales et intransgressibles, en temps de guerre comme en temps de paix.

    5- Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH)

    Elle est adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 à Paris. Elle précise les droits fondamentaux de l’Homme.

    Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’Homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression.

    C’est un texte fondamental sur lequel d’appuient de nombreux autres textes à valeur juridique, notamment :

    La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CSDHLF), communément appelée Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) ; [2]

    La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui en contrôle l’application et qui possède le même sigle.

    La Charte internationale des droits de l’homme comprend la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ses deux Protocoles facultatifs.

    6Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)

    Après avoir voté la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’Assemblée générale des Nations Unies souhaitait une Charte des droits de l’homme qui aurait force obligatoire. Elle a donc créé une Commission des droits de l’homme, chargée de la rédiger. Le projet aboutit après deux longues années de négociations dans le contexte de la guerre froide, à deux textes complémentaires, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et le PIDCP.

    Fait à New York le 19 décembre 1966, il ne sera ratifié par la France qu’à l’issue de la loi du 25 juin 1980, entrant en vigueur le 4 février 1981.

    Extrait du Préambule du PIDCP :

    « Considérant que, conformément aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde,

    Reconnaissant que ces droits découlent de la dignité inhérente à la personne humaine,

    Prenant en considération le fait que l’individu a des devoirs envers autrui et envers la collectivité à laquelle il appartient et est tenu de s’efforcer de promouvoir et de respecter les droits reconnus dans le présent Pacte…. »

    Le Pacte précise les droits et libertés civils et politiques énumérés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

    Notamment :

    Article 6 : Toute personne a droit à la vie.

    Article 7 : Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

    Article 19 : Toute personne a droit à la liberté d’opinion et d’expression.

    Le présent Pacte est juridiquement contraignant ; la Commission des droits de l’homme, établie en vertu de l’article 28, se charge du suivi de son application.

    7- Plainte de particulier victime de violation des droits énoncés au PIDCP

    Un protocole facultatif, ratifié par plus de 100 pays, permet à des particuliers, de déposer des « communications » (plaintes) individuelles au sujet du respect du Pacte par les États qui ont ratifié ce protocole additionnel. [3]

    Considérant que, pour mieux assurer l’accomplissement des fins du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci-après dénommé le Pacte) et l’application de ses dispositions, il conviendrait d’habiliter le Comité des droits de l’homme, constitué aux termes de la quatrième partie du Pacte (ci-après dénommé le Comité), à recevoir et à examiner, ainsi qu’il est prévu dans le présent Protocole, des communications émanant de particuliers qui prétendent être victimes d’une violation d’un des droits énoncés dans le Pacte,

    Article 2 : Sous réserve des dispositions de l’article premier, tout particulier qui prétend être victime d’une violation de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte et qui a épuisé tous les recours internes disponibles peut présenter une communication écrite au Comité pour qu’il l’examine.

    Article 5 : b) Le particulier a épuisé tous les recours internes disponibles. Cette règle ne s’applique pas si les procédures de recours excèdent des délais raisonnables.

    8- La désobéissance civile : droits garantis par le PIDCP

    Le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les Défenseurs de l’Environnement au titre de la Convention d’Aarhus, Convention signée par la France, rappelle le principe fondamental de la désobéissance civile dans sa publication de Février 2024. [4]

    La protection de la désobéissance civile pacifique dans le cadre du droit international des droits humains :

    Il s’agit d’une forme de participation politique qui renvoie à des formes variées et évolutives de mobilisation et qui peut être décrite de manière générale comme « des actes de violation délibérée de la loi, concernant une question d’intérêt public, menés publiquement et de manière non violente ». Ce sont les quatre critères cumulatifs utilisés par le Rapporteur Spécial.

    En vertu du droit international des droits humains, la désobéissance civile est reconnue comme une forme d’exercice des droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique, garantis respectivement par les articles 19 et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

    Les manifestations pacifiques peuvent prendre de nombreuses formes et, dans la plupart des cas, ne constituent pas des actions de « désobéissance civile » (puisque la désobéissance civile implique un acte de violation délibérée de la loi). Cependant, toutes les actions de désobéissance civile sont une forme de manifestation et, tant qu’elles sont non violentes, elles constituent un exercice légitime de ce droit.

    Les actions collectives de désobéissance civile sont garanties par l’article 21 du PIDCP dès lors qu’elles sont non-violentes et les perturbations ou les troubles, tels que « les seuls faits de pousser ou bousculer ou de perturber la circulation des véhicules ou des piétons ou les activités quotidiennes » ne constituent pas de la violence.

    Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies indique que pour être considéré comme non pacifique, un rassemblement doit être caractérisé par « des violences graves et généralisées », c’est-à-dire «l’utilisation contre autrui par les participants d’une force physique susceptible d’entraîner des blessures ou la mort, ou de causer des dommages graves aux biens ».

    Par conséquent, les actes isolés de certains participants ne permettent pas de qualifier un rassemblement de non pacifique et ne justifient pas l’usage excessif de la force par les autorités de l’État pour disperser ou interrompre une manifestation.

    Les rassemblements constituent une utilisation légitime des espaces publics et, « s’ils peuvent, par leur nature, perturber dans une certaine mesure la vie ordinaire, les perturbations causées doivent être tolérées, à moins qu’elles ne représentent une charge disproportionnée, auquel cas les autorités doivent être en mesure de justifier toute restriction de façon détaillée ».

    Tout comme ils ont l’obligation de respecter et de garantir le droit de réunion pacifique, les États ont l’obligation de respecter et de protéger le droit d’avoir recours à la désobéissance civile pacifique, qu’elle ait lieu en plein air, à l’intérieur, en ligne ou dans des espaces publics ou privés.

    En vertu du droit international des droits humains, les perturbations que ces actions peuvent entraîner (tels les embouteillages ou les perturbations de l’activité économique normale), qu’elles soient intentionnelles ou non, ne privent pas de protection l’exercice de ces droits fondamentaux au cours de ces actions. En effet, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a clairement indiqué que « on doit pouvoir attendre des entités privées et de la société en général qu’elles acceptent que l’exercice (du droit de réunion pacifique) entraîne des perturbations, dans une certaine mesure »

    9- Répression par l’État des manifestations et de la désobéissance civile environnementale : une menace majeure pour les droits humains et la démocratie

    Le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les Défenseurs de l’Environnement au titre de la Convention d’Aarhus, Convention signée par la France, rappelle dans sa publication de février 2024, le principe essentiel de protection :

    L’article 3, paragraphe 8, de la Convention d’Aarhus imposeune obligation juridiquement contraignante aux pays qui sont parties à la Convention d’Aarhus de veiller à ce que les personnes exerçant les droits que leur confère la Convention ne soient pas pénalisées, persécutées ou harcelées pour cette raison.

    « Tout membre du public cherchant à protéger le droit de vivre dans un environnement adéquat pour sa santé et son bien-être est un défenseur de l’environnement. »

    La triple crise environnementale de la pollution, de la perte de biodiversité et du changement climatique entraine un militantisme environnemental.

    Face à cette situation et à l’impression légitime que les décideurs manquent à leur devoir, un nombre croissant de personnes et d’organisations – groupes, mouvements, militants et scientifiques, enfants et grands-parents – se mobilisent pour défendre leur droit humain, et celui des générations futures, à un environnement propre, sain et durable, comme reconnu par l’Assemblée générale des Nations Unies. Ce faisant, ils exercent leurs droits fondamentaux à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, garantis par le droit international relatif aux droits humains. Leurs actions prennent différentes formes, depuis les manifestations traditionnelles, les campagnes sur les réseaux sociaux et le plaidoyer, jusqu’à des formes plus créatives de mobilisation et d’action directe. Il est important de souligner que, quelle que soit la forme que prennent leurs actions, ce sont des « défenseurs de l’environnement » et, en tant que tels, le mandat du Rapporteur Spécial est de les protéger contre toute forme de pénalisation, de sanctions, ou de harcèlement, ou de la menace d’une telle persécution.

    10- Droits humains et environnement

      • Constitution : La protection de l’environnement, patrimoine commun des humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle en vertu du préambule de la Charte de l’environnement (Avis du Conseil constitutionnel du 31 janvier 2020).

      Préambule de la Charte de l’environnement : “l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel (…) l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains (…) la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation“. [5]

      La Charte de l’environnement, texte constitutionnel, précise :

      Article 1er. Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

      Article 2. Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement.

      Article 7. Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.

      • La Directive du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne, concernant l’accès du public en matière d’environnement, définit, article 2, les « informations environnementales ». [6]

      1. « Informations environnementales » désigne toute information sous forme écrite, visuelle, auditive, électronique ou toute autre forme matérielle concernant :

      a) l’état des éléments de l’environnement, tels que l’air et l’atmosphère, l’eau, le sol, la terre, le paysage et les sites naturels, y compris les zones humides, les zones côtières et marines, la diversité biologique et ses composantes, y compris les organismes génétiquement modifiés, ainsi que l’interaction entre ces éléments;

      b) les facteurs, tels que les substances, l’énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, y compris les déchets radioactifs, les émissions, les rejets et autres rejets dans l’environnement, qui affectent ou sont susceptibles d’affecter les éléments de l’environnement visés au point a);

      c) les mesures (y compris les mesures administratives), telles que les politiques, la législation, les plans, les programmes, les accords environnementaux et les activités affectant ou susceptibles d’affecter les éléments et les facteurs visés aux alinéas a) et b), ainsi que les mesures ou activités conçues pour protéger ces éléments;

      d) des rapports sur la mise en œuvre de la législation environnementale;

      e) les analyses coûts-avantages et autres analyses et hypothèses économiques utilisées dans le cadre des mesures et activités visées au point c);

      f) l’état de la santé et de la sécurité humaines, y compris la contamination de la chaîne alimentaire, le cas échéant, les conditions de vie humaine, les sites culturels et les structures bâties dans la mesure où ils sont ou peuvent être affectés par l’état des éléments de l’environnement visés au point a) ou, par l’intermédiaire de ces éléments, par l’une quelconque des questions visées aux points b) et c).

      • L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté en 2022 une résolution historique déclarant que l’accès à un environnement propre, sain et durable est un droit humain universel. [7]

      Le texte note que le droit à un environnement sain est lié au droit international existant.

      Elle reconnaît également que l’impact du changement climatique, la gestion et l’utilisation non durables des ressources naturelles, la pollution de l’air, de la terre et de l’eau, la mauvaise gestion des produits chimiques et des déchets et la perte de biodiversité qui en résulte, interfèrent avec la jouissance de ce droit – et que les dommages environnementaux ont des implications négatives, directes et indirectes, sur la jouissance effective de tous les droits de l’homme.

      La décision de l’Assemblée va modifier la nature même du droit international des droits de l’homme : un droit fondamental à «un environnement d’une qualité qui permette une vie de dignité et de bien-être ».

      Considérant que le développement durable dans ses trois dimensions (sociale, économique et environnementale) et la protection de l’environnement, y compris les écosystèmes, facilitent et favorisent le bien-être et la pleine réalisation de tous les droits humains des générations actuelles et futures,

      Estimant, à l’inverse, que les conséquences des changements climatiques, la gestion et l’utilisation non viables des ressources naturelles, la pollution de l’air, des sols et de l’eau, la mauvaise gestion des produits chimiques et des déchets, l’appauvrissement de la biodiversité qui en résulte et le déclin des services fournis par les écosystèmes compromettent la possibilité de bénéficier d’un environnement propre, sain et durable et que les atteintes à l’environnement ont des effets négatifs, directs et indirects, sur l’exercice effectif de tous les droits humains,

      Considérant également que l’exercice des droits humains, notamment le droit de rechercher, de recevoir et de communiquer des informations, le droit de participer véritablement à la conduite des affaires gouvernementales et publiques et le droit à un recours utile, est indispensable à la protection d’un environnement propre, sain et durable,

      1. Considère que le droit à un environnement propre, sain et durable fait partie des droits humains. [8]

      • Le principe de précaution est inscrit dans la Charte de l’environnement (article 5), dans le Code de l’environnement (article L110-1), dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (article 911). [9]

      Si une politique ou une mesure présente un risque potentiel pour la population ou l’environnement et qu’il n’existe pas de consensus scientifique sur la question, cette politique ou cette mesure ne devrait pas être poursuivie. Le principe de précaution ne peut être utilisé que dans le cas de risque potentiel et ne peut être utilisé pour justifier des décisions arbitraires.

      L’incertitude sur la réalité des dommages ne saurait donc justifier une inaction de l’administration, qui doit au contraire prendre des mesures de précaution et de prévention pour éviter toute conséquence potentiellement dommageable.

      11- Santé et bien-être : l’animal fait partie intégrante de l’environnement

        Une Résolution des Nations Unies lie l’humanité et les animaux dans la notion d’environnement :

        Le bien-être de l’humanité est intrinsèquement lié à la bonne santé de l’environnement et des animaux.

        Les animaux jouent un rôle crucial dans la santé physique et psychologique des personnes. Il est donc impératif que la protection des animaux fasse partie intégrante de tout projet de développement axé sur l’objectif de développement durable (ODD)

        La contribution des animaux au bien-être de l’homme doit s’entendre au sens large, y compris au bien-être psychologique.

        • L’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (ANUE) a adopté en mars 2022 une Résolution sur le Lien entre le bien-être animal, l’environnement et le développement durable. [10]

        Cette résolution souligne l’influence du bien-être animal sur les êtres humains et les écosystèmes.

        • Santé humaine et santé animale, bien-être humain et bien-être animal sont étroitement liés, comme le rappelle l’ONU et l’OIE (organisation mondiale de la santé animale) dans de nombreux rapports officiels.

        La santé animale joue un rôle de premier plan dans le maintien des équilibres sanitaire, socioéconomique et environnemental à l’échelle planétaire.

        Plusieurs Objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 pour structurer et améliorer la gouvernance mondiale en matière de santé et de bien-être animal.

        Parce que nos échanges avec les animaux, domestiques ou sauvages, sont quotidiens, leur santé nous concerne à tous points de vue. Santé humaine, sécurité alimentaire, prospérité et respect de l’environnement sont étroitement corrélés à la gouvernance mondiale vis-à-vis des animaux (OIE).

        À de nombreux égards, l’animal est un atout pour l’homme, il est donc essentiel de s’assurer de la protection de son bien-être.

        Les animaux améliorent le bien-être de l’homme de nombreuses façons (OIE).

        • Le bien-être animal est souvent traduit par le principe fondamental des 5 libertés individuelles. L’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) reprend ce concept en tant que principe directeur afin de faire ressortir les besoins fondamentaux indispensables pour le bien-être d’un animal. [11]

        L’exploitation et les mauvais traitements infligés aux animaux dits de rente dans les fermes industrielles ne sont pas seulement une catastrophe du point de vue du bien-être animal, mais sont également l’une des plus grandes causes de pollution, de changement climatique et de perte de biodiversité. [12]

        L’interdépendance des espèces humaines et animales créé un effet domino du fait des réseaux complexes de connexions entre différentes espèces.

        Une incidence sur une seule espèce peut en affecter d’innombrables autres, perturbant ainsi les fonctions écologiques vitales.

        La perte de biodiversité menace toutes les formes de vie sur terre, et pas seulement les espèces en voie d’extinction.

        12- La désobéissance civile environnementale

          Face aux insuffisances du droit, à l’incapacité ou au manque de volonté des États de prendre à bras le corps la protection de l’environnement, s’est développée une nouvelle forme d’activisme environnemental.

          Après la consécration au niveau international de nombreux principes, concepts et droits environnementaux, les citoyens revendiquent une mise en oeuvre civile et citoyenne du droit de l’environnement et une amélioration des modalités de mise en oeuvre de la démocratie environnementale.

          Ecocide : Assimilable au crime de génocide, la notion d’écocide marque l’interdépendance entre les écosystèmes et les conditions d’existence de l’humanité.

          Le Parlement européen a adopté une nouvelle directive le 11 avril 2024 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal, écartant l’infraction de crime d’écocide.

          En attendant une décision internationale, ce sont les législations nationales qui peuvent prendre les décisions.

          En refusant de reconnaître l’écocide, le législateur français a manqué l’occasion de donner l’exemple et d’ouvrir la voie vers une reconnaissance universelle de ce crime. Relégué au rang de simple délit, banalisé, l’écocide est, de surcroît, fragilisé par une définition complexe, inadaptée et indûment restrictive.

          Le 22 février 2024, la Belgique a marqué l’histoire en adoptant un nouveau code pénal criminalisant l’écocide dans son droit interne. Il s’agit de la première fois qu’une telle interdiction nationale est adoptée en Europe. [13]

          En adoptant cette interdiction, la Belgique est également devenue le premier pays à aligner sa législation nationale sur la directive révisée de l’UE sur les crimes environnementaux, laquelle oblige les États membres à établir une infraction « comparable à l’écocide ».

          13- La désobéissance civile, l’objection de conscience

            Le concept de désobéissance ne s’oppose pas au concept d’obéissance.

            Des phrases célèbres de militaires éclairent le concept d’obéissance :

            « Il a obéi à tous mes ordres, même ceux que je n’avais pas formulés. »

            Il a toutes les qualités, sauf une : il ne sait pas désobéir.

            • Le principe de désobéissance s’est longtemps appuyé sur des règles religieuses ou sur une conception assez subjective de l’honneur militaire. Il a trouvé sa place à l’époque moderne dans le droit positif à la conjonction de plusieurs évolutions, liées à l’affirmation du principe de responsabilité individuelle dans le domaine des idées, à l’essor du juridisme, à la décentralisation du commandement militaire et à une sensibilité croissante aux droits de l’homme. Le jugement des crimes nazis à la fin de la Seconde Guerre mondiale représenta une étape marquante de ce processus.

            La désobéissance c’est accomplir un acte proscrit relevant de la liberté de manifester positivement ses convictions.

            • La valeur de l’obéissance est une autre question importante pour nos sociétés. La crise de légitimité qu’elle connaît doit nous interroger car elle procède moins de la notion de consentement elle-même que de la difficulté de valoriser le partage, la pérennité et le sérieux du consentement. C’est là une condition de la démocratie, si l’on admet que « l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté ».
            • La dialectique entre obéissance et désobéissance est un indicateur efficace du dynamisme de notre système démocratique. Par le passé, la place insuffisante faite au consentement pouvait priver d’une partie de sa portée la notion d’obéissance ; aujourd’hui, notre difficulté à penser la contrainte, qui mesure notre détermination à agir collectivement, rend incertaine la notion de désobéissance. L’enjeu est de permettre à ces deux notions de conserver leur sens.

            Le concept d’obéissance est ambigu et ne s’oppose pas strictement à la désobéissance. Il doit se différencier du libre consentement à une proposition et de la soumission à la force.

            Point de désobéissance sans contrainte, même morale.

            La soumission à l’autorité, le conformisme de groupe, peuvent favoriser les pires dérives ainsi que l’expérience de Milgram l’a démontré. D’autres expériences ultérieures, notamment sur des animaux, ont été menées démontrant la complexité de la soumission à l’autorité.

            Dans le cas de la loi, les citoyens se sentent personnellement responsables de se conformer volontairement aux lois créées et appliquées par les autorités légales légitimes.

            Un individu accepte le contrôle total d’une personne possédant un statut plus élevé. Dans ce cas, il ne s’estime plus responsable de ses actes. Il voit en lui un simple instrument destiné à exécuter les volontés d’autrui. Il abandonnerait donc temporairement ses critères moraux habituels face à une figure d’autorité.

            L’obéissance raisonnée : l’individu apparaît comme un acteur qui, investi d’un but culturel supérieur, servir la science, non seulement consent mais s’engage activement dans les comportements que l’on attend de lui.

            Le phénomène d’engrenage : y mettre fin aurait été un désaveu de leur conduite antérieure.

            S’opposent deux finalités : servir des finalités scientifiques à valeur bénéfique et éviter de blesser des êtres vivants, exigence qui constitue un véritable fondement moral universel.

            • L’objection de conscience est un refus personnel d’accomplir certains actes requis par une autorité contraires à ses convictions intimes de nature religieuse, philosophique, politique, idéologique ou sentimentale.

            L’objection de conscience concerne spécifiquement le refus d’accomplir positivement un acte prescrit. Elle se distingue du fait d’accomplir un acte proscrit par opposition de conscience qui relève de la liberté de manifester positivement ses convictions.

            Cette spécificité de l’objection, comme refus d’agir positivement, repose en outre sur la différence entre être contraint d’agir contre ses convictions, ou empêché d’agir conformément à elles

            L’objection de conscience est un aspect universel de la liberté de conscience.

            Elle peut être individuelle ou collective si « elle engage un groupe d’individus souhaitant affirmer leur position en soulignant nettement l’existence d’une attitude commune ».

            Dans quelle mesure est-il légitime au regard de l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, lequel article garantit la liberté de conscience et de religion, d’obliger des individus à concourir à une activité contraire à leurs convictions ? Cette question, soulevée par le juge Fischbach dans son opinion jointe à l’arrêt de la CEDH Chassagnou et autres contre France,  à propos de l’objection de conscience à la pratique de la chasse, est susceptible de se poser dans de très nombreux domaines où les convictions d’un individu peuvent entrer en conflit avec un commandement de la loi ou d’un supérieur hiérarchique.

            Guide sur l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme Liberté de pensée, de conscience et de religion mis à jour février 2024. [14]

            Le droit d’avoir n’importe quelle conviction (religieuse ou non) dans son for intérieur et de changer de religion ou de conviction est un droit absolu et inconditionnel, l’État ne peut pas s’y immiscer. Le droit de manifester sa croyance seul et en privé mais aussi de la pratiquer en société avec autrui et en public n’est pas un droit absolu puisqu’avec des conséquences pour autrui.

            La question de la liberté de conscience a été au centre du dossier CEDH Chassagnou contre France avec des prises de positions importantes, notamment celle du juge Fischbach sur l’article 9.

            « Ne fais jamais rien contre ta conscience, même si l’État te le demande » (Albert Einstein)

            • L’obéissance passive permet la réalisation du crime puisque la soumission à l’autorité permet l’exécution de la décision.

            Le premier rempart est la faculté individuelle de s’opposer à l’ordre.

            Il y a obligation de désobéir aux ordres contrevenant au droit humanitaire.

            Chacun est moralement tenu de désobéir aux lois injustes.

            La désobéissance civile devient alors légitime.

            Celui qui considère la non-violence comme un principe n’a pas à rester passif.

            « Les États ont l’obligation de respecter et de protéger le droit d’avoir recours à la désobéissance civile pacifique.

            Tout membre du public cherchant à protéger le droit de vivre dans un environnement adéquat pour sa santé et son bien-être est un défenseur de l’environnement ». (Rapporteur spécial de l’ONU sur les défenseurs de l’environnement).

              La répression par l’État des manifestations et de la désobéissance civile environnementale est une menace majeure pour les droits humains et la démocratie.

              Plusieurs décisions de justice éclairent les notions de désobéissance civile, l’état de nécessité, l’objection de conscience, dans le domaine environnemental.

              1. Désobéissance civile
              • Les Soulèvements de la Terre : Conseil d’Etat 11 août et 9 novembre 2023

              Les décisions du Conseil d’Etat relatives au Collectif Les Soulèvements de la Terre précisent les limites de la désobéissance civile :

              Absence de caution d’une quelconque façon des agissements violents envers des personnes ;

              Actions inscrites dans les prises de position en faveur d’initiatives de désobéissance civile à caractère symbolique et en nombre limité. [15]

              «  le groupement de fait “Les Soulèvements de la Terre ” s’inscrit, à travers ses prises de position publiques, exprimées notamment par l’intermédiaire des publications éditées ou diffusées sur les réseaux sociaux, dans le cadre d’une mouvance écologiste radicale promouvant non seulement ce qu’il appelle ” la désobéissance civile ” mais aussi les appels à ce que le groupement dénomme “désarmement” des infrastructures portant atteinte à l’environnement et compromettant l’égal accès aux ressources naturelles telles que l’eau, c’est-à-dire des destructions ou dégradations visant à rendre ces infrastructures impropres à leur destination. » [16]

              • Association Alternatiba : Tribunal administratif Poitiers 30 novembre 2023

              La formation à la désobéissance civile ne constitue pas une incitation à la violence.

              L’objet de l’atelier résidait précisément dans l’incitation à organiser des actions non violentes de désobéissance civile.

              Une action de désobéissance civile organisée ou incitée par une association ne constituait pas, en tant que tel, un manquement au contrat d’engagement républicain, pourvu qu’elle n’apparaisse pas violente ou susceptible d’entraîner de graves troubles à l’ordre public.

              Les propos tenus par différents intervenants extérieurs à l’association, dans le cadre du débat intitulé « Face au dérèglement climatique et son impact sur la ressource en eau : les bassines sont-elles une solution ? », et encourageant des actions de désobéissance civile sur le chantier de Saint-Soline, ne l’ont pas été par le dirigeant, des salariés, des membres ou des bénévoles de l’association Alternatiba Poitiers. Ils n’ont pas davantage été cautionnés par ces personnes.

              Il y a un équilibre entre liberté d’association et maintien de l’ordre public : la liberté d’association et l’organisation de leurs activités doivent permettre d’exercer leur rôle de contre-pouvoir.[17]

              Le préfet en prend acte. [18]

              • La désobéissance civile environnementale devant les tribunaux

              Rapport de la Clinique de l’École de Droit de Sciences Po à la demande de Greenpeace France 2021-2022. [19]

              2- Etat de nécessité

              En 2021, la Cour de cassation a statué sur l’état de nécessité :

              -des « décrocheurs de portraits ». [20]

              -de l’intrusion dans une centrale nucléaire. [21]

              La jurisprudence évolue, l’inaction de l’Etat face à l’urgence climatique reconnue par les juges.

              • Extinction Rebellion : Tribunal judiciaire La Rochelle 23 avril 2024

              Argumentation sur la liberté d’expression et l’état de nécessité.

              Article 122-7 : L’état de nécessité

              “N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace.”

              L’argument avait été développé en 3 axes :

              L’urgence climatique est un danger actuel et imminent.

              Le lancement d’alertes via la désobéissance civile est une mesure nécessaire face à l’épuisement des autres recours. Agronome, hydrologue, responsable de plaidoyer et membre de la Convention Citoyenne pour le Climat se sont succédés à la barre pour renforcer cet état de fait.

              Le déploiement de cette banderole n’a pas engendré de dégradation ni de violence, le geste est proportionné.

              L’état de nécessité a donc été triplement démontré. Le juge a décidé de mettre l’Etat français devant ses responsabilités et son inaction face au dérèglement climatique.

              Fait historique, car peu d’actions sur ces questions d’urgences climatiques sont reconnues par les tribunaux comme étant légitimes. [22]

              Le parquet fait appel, un autre procès aura donc lieu devant la Cour d’appel de Poitiers. [23]

              • Scientifiques : Tribunal de police de Paris 26 septembre 2024

              « La situation est tellement grave que certaines incertitudes ne pourraient en aucun cas justifier de ne rien faire. La désobéissance civile devient presque un impératif professionnel »

              Pour une action alertant sur l’extinction des espèces, des scientifiques ont été relaxés par la justice.

              En janvier 2024, huit militants ayant participé à cette action avaient déjà été relaxés pour infraction non caractérisée.

              Le 26 septembre 2024, quatre autres étaient jugés au Tribunal de Police de Paris. Plusieurs scientifiques de grande notoriété ont témoigné devant le tribunal en soutien aux militants tels Pierre-Henri Gouyon (biologiste, Muséum national d’histoire naturelle), Christophe Bonneuil (historien des sciences, CNRS) et Fabrice Flipo (philosophe des sciences, Institut Mines Telecom). Une lettre de la climatologue et ancienne co-présidente du groupe 1 du GIEC Valérie Masson-Delmotte a été jointe au dossier. Ces intervenants insistaient sur les multiples rapports intergouvernementaux du GIEC, IPBES et IUCN sur le consensus scientifique au sujet de la perte de la biodiversité et l’urgence climatique. [24]

              L’avocat de la défense a développé un argumentaire insistant sur la non-caractérisation des faits, sur l’état de nécessité et la liberté d’expression.

              Le juge a reconnu l’état de nécessité, estimant qu’il n’y avait aucun doute sur la gravité de la situation. [25]

              Le parquet a fait appel.

              3- Objection de conscience

              • CEDH Chassagnou contre France 29 avril 1999

              UNE RECONNAISSANCE AMBIGUE DE LA LIBERTE DE CONSCIENCE

              La liberté de conscience était probablement la question la plus fondamentale aux yeux des requérants, le plus important sans doute pour eux était que la loi française ne prend aucunement en considération leur statut de militants « anti-chasse ».

              L’attitude de la Cour concernant cette question ne laisse pas de surprendre : elle a délibérément mis la liberté de conscience au cœur du débat pour finalement l’escamoter sans aucune forme d’explication.

              Elle reconnaît explicitement que l’opposition à la chasse constitue une conviction, un choix de conscience qui doit être respecté et dont la méconnaissance entraîne toute une série de conséquences : violation du droit de propriété, de la liberté d’association et du principe de non-discrimination.

              Mais elle a décidé qu’il ne s’impose pas de procéder à un examen séparé de l’affaire sous l’angle de l’article 9 ». [26]

              Opinion du juge Fischbach sur l’article 9 (page 47 du pdf de l’arrêt de la CEDH) :

              « J’estime en effet que les convictions « environnementalistes » ou « écologiques » se rangent parmi celles qui entrent dans le champ d’application de l’article 9 dans la mesure où elles relèvent d’un véritable choix de société. Il s’agit en fait de convictions intimement liées à la personnalité de l’individu et qui déterminent les orientations qu’il donne à sa vie.

              Par ailleurs, il est indéniable que la question de la préservation de notre environnement et en particulier des animaux sauvages, a désormais une place privilégiée dans les débats de nos sociétés. » [27]

              Les actions de désobéissance civile font avancer le droit environnemental et les droits humains.

              En 2024, les « Ainées pour le climat » (Collectif Suisse) ont obtenu un jugement historique de la CEDH sur le lien de causalité entre le changement climatique et les atteintes aux droits de l’homme, le droit des individus à une protection effective contre les effets néfastes du changement climatique.

              En 2024, le Code pénal Belge a créé le crime d’écocide.

              En 2024, le Conseil d’Etat applique le principe de précaution pour le glyphosate.

              « Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’Homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression » (Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée à Paris 1948).

              La désobéissance civile, loin d’affaiblir les institutions, pourrait au contraire les renforcer en provoquant une compréhension plus claire de leurs idéaux fondateurs et en faisant participer davantage l’opinion publique au processus normatif.

              Les actions de désobéissance civile permettent une prise de conscience et conduisent à des modifications législatives ainsi que des décisions de justice de protection des droits humains environnementaux.

              La désobéissance civile, c’est le refus de la servitude volontaire (Etienne de la Boétie 1576) à des lois injustes et iniques.

              L’inaction de l’Etat conduit les citoyens à des actions de désobéissance civile puisque toutes les voies de droit restent vaines. Ce sont des lanceurs d’alerte.

              Ils font l’objet de procédures-baillons, de répression disproportionnée, contraire aux droits humains et aux obligations contraignantes de la Convention d’Aarhus.

              L’effondrement climatique a commencé. Nous vivons un effondrement climatique en temps réel et l’impact est dévastateur, a déclaré le secrétaire général de l’ONU fin 2023.


              [1]https://www.legifrance.gouv.fr/contenu/menu/droit-national-en-vigueur/constitution/declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-de-1789

              [2] https://rm.coe.int/1680063776

              [3]https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/optional-protocol-international-covenant-civil-and-political

              [4]https://unece.org/sites/default/files/2024-02/UNSR_EnvDefenders_Aarhus_Position_Paper_Civil_Disobedience_FR.pdf

              [5]https://www.legifrance.gouv.fr/contenu/menu/droit-national-en-vigueur/constitution/charte-de-l-environnement

              [6]https://eur-lex.europa.eu/legal-content/en/TXT/?qid=1730130833985&uri=CELEX:32003L0004

              [7] https://news.un.org/fr/story/2022/07/1124582

              [8] https://digitallibrary.un.org/record/3983329/files/A_RES_76_300-FR.pdf

              [9] https://eur-lex.europa.eu/FR/legal-content/glossary/precautionary-principle.html

              [10]https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/39792/ANIMAL%20WELFARE%E2%80%93ENVIRONMENT%E2%80%93SUSTAINABLE%20DEVELOPMENT%20NEXUS.%20French.pdf

              [11] https://agriculture.gouv.fr/le-bien-etre-animal-quest-ce-que-cest

              [12]https://www.quatre-pattes.ch/nos-recits/medias/archive-presse/2022/mars-2022/nations-unies-adoption-dune-resolution-historique-pour-le-bien-etre-animal

              [13]https://ohrh.law.ox.ac.uk/la-belgique-criminalise-lecocide-une-imparfaite-premiere-europeenne/

              [14] https://ks.echr.coe.int/documents/d/echr-ks/guide_art_9_fre

              [15]https://www.conseil-etat.fr/content/download/190511/document/Communiqu%C3%A9%20de%20presse%20-%20Les%20Soul%C3%A8vements%20de%20la%20Terre%20-%20web.pdf

              [16] https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-11-09/476384

              [17]https://poitiers.tribunal-administratif.fr/content/download/213250/file/Rubrique%20de%20jurisprudence%20-%20Alternatiba.pdf

              [18]https://www.vienne.gouv.fr/contenu/telechargement/39565/249012/file/CP+-+Contentieux+Alternatiba+-+jugement+VF.pdf

              [19]https://www.sciencespo.fr/ecole-de-droit/sites/sciencespo.fr.ecole-de-droit/files/RAPPORT_CLINIQUE_JETE_0.pdf

              [20] https://www.courdecassation.fr/print/pdf/node/20785

              [21] https://www.courdecassation.fr/print/pdf/node/20680

              [22] https://jurisprudence.lefebvre-dalloz.fr/jp/tribunal-correctionnel-rochelle-2024-04-23-n-23289000010_g25749c36-5114-45a0-a46f-439db8e3f2fc

              [23]https://www.sudouest.fr/charente-maritime/la-rochelle/climat-le-parquet-de-la-rochelle-fait-appel-de-la-relaxe-des-militants-d-extinction-rebellion-19600931.php

              [24]https://scientifiquesenrebellion.fr/textes/presse/des-membres-de-xr-et-de-ser-relaxe-es-au-nom-de-l-etat-de-necessite/

              [25]https://www.ecologie-radicale.org/images/stories/doc_pdf/Tribunal_police_Paris_26_sept_2024_Scientifiques_Action_Musum.pdf

              [26]https://univ-tlse2.hal.science/hal-00812811v1/file/CA_cile_Jebeili_commentaire_de_l_arrA_t_Chassagnou.pdf

              [27]https://www.sedlex.fr/wp-content/uploads/2019/10/affaire-chassagnou-et-autres-c.-france.pdf

               Lili, Administratrice CVN


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