Depuis son introduction sur notre sol, la corrida a fait l’objet d’une virulente opposition et s’est juridiquement imposée à la suite de troubles à l’ordre public et d’infractions à la loi. Plus proche de nous, voilà des décennies qu’associations, militants et personnalités luttent pour en finir avec ces sévices et actes de cruauté sur des animaux, reconnus en tant que tels par le Code pénal. A l’issue de pressions sur le législateur, les acteurs de la corrida ont réussi à obtenir une exemption de poursuites judiciaires dans certaines régions. C’était en 1951 et cette exception à une règle applicable à tous est l’actuel alinéa 11 de l’article 521-1 du code précédemment cité.
Victoire médiatique
La corrida a connu ses heures de gloire dans les années 1980 : il était alors de bon ton de s’afficher dans les arènes et les opposants – toujours présents – étaient quasiment inaudibles. Peu informé, le grand public ne s’imaginait pas la cruauté codifiée de la chose. Dans les années 1990, la lutte s’est organisée et les associations ont déployé toute leur énergie pour faire entendre la voix animaux martyrs des arènes. Dans les années 2000, avec l’avènement d’Internet, l’information a circulé, les images aussi. Puis, il y a eu cette tentative fallacieuse et absconse d’inscription de la corrida au Patrimoine Culturel et Immatériel de la France qui a soulevé d’un bloc le monde de la protection animale : recours en justice et adhésions en masse de citoyens auprès des associations. Sur le terrain, des actions d’envergure ont abouti. La plus emblématique est incontestablement le lynchage, par les pro-corrida, de militants enchainés au sol dans une arène le 8 octobre 2011 à Rodilhan. Ce jour-là, un cap a été franchi, montrant le visage de la violence. Le procès des « cogneurs de Rodilhan » se faisant attendre, Jean-Pierre Garrigue U – leader emblématique de la lutte anti-corrida que plus personne ne présente – a donc eu l’idée de réunir les associations de protection animale derrière un slogan : « Non à la honte française ! » afin de faire sortir la corrida des arènes et d’obtenir que l’affaire de Rodilhan soit enfin jugée. Sur ces deux points, l’objectif a été atteint : la lutte anti-corrida a fait un bond en avant et le procès a eu lieu. Le collectif « Ensemble pour l’abolition de la corrida » est le fils naturel de celui initié par Jean-Pierre Garrigue : rassembler la protection animale autour de l’abolition de la corrida.
Naissance du collectif « Ensemble pour l’abolition »
L’annonce du dépôt d’une proposition de loi abolitionniste a précipité les choses dans le monde de la protection animale. Sans même la mise en place d’une campagne de communication d’envergure, le collectif a vu les structures arriver en masse. L’attente est forte de voir les Députés approuver le texte porté par Aymeric Caron. Au niveau politique, sans surprise, la proposition de loi abolitionniste transcende les clivages habituels. Au sein même des différentes formations qui constituent notre paysage politique, l’abolition de la corrida est laissée à la libre appréciation de chacun. C’est en conscience que des femmes et des hommes voteront – ou pas – ce texte. Il apparait toutefois qu’ayant reçu un mandat électif de la part des citoyens afin de les représenter, se prononcer à l’encontre du souhait de 87% de ceux-ci – un sondage IFOP pour la Fondation Brigitte Bardot, établi en février 2022, révèle que 87% de nos concitoyens souhaitent l’abolition – pourrait interroger. L’argument local ne tient pas : la compétence d’un Député qui a vocation à voter la loi ne se limite pas à sa circonscription ; sa voix a une portée nationale. En outre, dans les départements où sévit la corrida, il est également établi qu’une écrasante majorité de citoyens la rejettent.
« Un petit pas pour l’animal, un grand pas pour l’humanité »
La corrida concerne environ un millier d’individus par an. A ceux-ci, il faut ajouter les taureaux suppliciés lors de corridas privées et ceux également torturés lors des entrainements. Au regard d’autres phénomènes où des sujets sont en situation d’extrême souffrance du fait de l’homme (abattoirs, chasse, élevages intensifs, expérimentation animale…), cette pratique cristallise l’opprobre du fait qu’il s’agit d’une maltraitance publique travestie sous des considérations prétendument esthétiques, ou encore culturelles. Evacuons d’emblée l’argument économique : il n’existe pas. La corrida est partout déficitaire et ne survit que grâce aux subventions publiques, en d’autres termes grâce aux impôts des Français. Seules les férias sont un facteur économique à retenir. Or, à peine 5% du public des férias se rend aux corridas. L’amalgame entretenu à ce sujet est donc mensonger. La corrida n’est pas un art, le ministère de la culture a été sans détours. Ces manifestations sont taxées à 20%, à l’inverse des manifestations artistiques lesquelles bénéficient d’un taux de TVA à 5,5%. La tradition ne peut pas davantage être invoquée. En effet, « tradition » est un terme neutre qui signifie qu’une pratique se transmet. L’excision est une tradition dans certains pays et il ne viendrait à l’idée de personne de la défendre.
La corrida est rendue particulièrement scandaleuse car elle est en tous points gratuite et ne souffre d’aucun argument valable. La mise à mort d’un animal à la suite de sévices raffinés révulse au XXIème siècle. La question qui se pose est celle de notre rapport à l’animal à la lumière de nos connaissances et de notre évolution. Peut-on aujourd’hui admettre que soit érigée en spectacle – et applaudie – la torture à mort d’un animal sans autre raison que cette torture et cette mise à mort ? Répondre par la négative est un humanisme.
Des sévices codifiés
Il serait erroné de croire que lors d’une corrida, les sévices infligés à l’animal sont anarchiques. Tout est pensé avec soin. Découpée en trois actes, une corrida s’ouvre sur le premier « tercio », ou « tercio de pique » ou encore « châtiment ». Il s’agit d’enfoncer une pique de plusieurs centimètres dans le garrot afin de sectionner les muscles adducteurs du cou du taureau. Ainsi, il ne pourra plus relever la tête, ou alors au prix de grandes souffrances. Le deuxième « tercio » voit des banderilles être plantées approximativement au même endroit que la pique afin de redonner de l’ardeur à un animal déjà fortement éprouvé. Enfin, le troisième « tercio », le « tercio de mort », consiste à enfoncer une épée entre les vertèbres jusque dans les poumons pour provoquer une hémorragie. La mort n’est pas instantanée et fréquemment, il faut s’y reprendre à plusieurs fois avant que l’animal ne s’effondre… toujours vivant. Alors, le « descabello » consiste à sectionner la moelle épinière au moyen d’un poignard afin de paralyser le taureau. Cette pratique a été interdite dans les abattoirs au motif qu’elle cause des souffrances trop importantes.
Le taureau dit « de combat » souffre intensément lors d’une corrida. Il ne veut pas être là. Son comportement, analysé par les éthologues et les vétérinaires, traduit la peur et le désarroi. Prétendre le contraire, c’est opérer une projection rétrograde et inepte à son endroit en lui faisant endosser des sentiments qui n’existent que dans l’esprit de certains. La science est de notre côté. Le 24 novembre 2022, il faut abolir la corrida à l’Assemblée nationale.
Ensemble pour l'abolition de la corrida
Collectif pour l'abolition de la corrida